lundi 7 août 2017

Dérapage et explosion dans la Baie des Cyclones

14°27.377N 60°52.005W
Baie des Cyclones, Le Marin, Martinique

Voilà quatre mois que La Boiteuse se dandine au bout de sa chaîne dans la Baie des Cyclones. Quatre mois sans incidents notables si ce n'est les vicissitudes inhérentes à tous les mouillages. Journées sans soleil (rares), ondes tropicales un peu plus menaçante que les autres, bisbilles entre Touline et Zika... Bref rien de bien exceptionnel, la routine paradisiaque comme le lecteur en rêve. J'en étais même à me réconcilier tout doucement avec les mouillages tellement mes cinquante mètres de chaîne de 10 mm, ma gueuse bricolée main de 10 Kg, et mon ancre Delta de 15 Kg semblaient faire le job. Même les 15 mn en annexe pour rejoindre la marina devenaient une partie de plaisir. La preuve dans la petite vidéo à la fin.

La Baie des Cyclones par temps calme

C'est pour cela que lorsque la météo a annoncé l'arrivée d'une petite onde tropicale pour ce mercredi 2 Août, je ne me suis pas inquiété outre mesure. 25 nœuds en rafales franchement, il n'y a pas vraiment de quoi fouetter un chat. Cela arrive fréquemment en ce moment, surtout en avant des grains, et il est arrivé à La Boiteuse d'encaisser bien pire depuis avril.

N'empêche, depuis le milieu de l'après midi, ça soufflait pas mal... De gros grains bien denses, de la pluie en pagaille et quelques rafales bien senties, plutôt près des 35 Nœuds que des 25 annoncés, faisaient que le bateau dansait la gigue plus qu'à l’accoutumé. Mais même si parfois mes tripes se serraient, mon cerveau me disait : Mais non, t'inquiète pas mon bonhomme, c'est du lourd que tu as mis au fond, tu ne risques rien...

Vers 17H30, alors que je regardais le dernier épisodes de la série Ozarks, anxieux de connaître enfin comment Jason Bateman allait pouvoir se dépêtrer de la merde grandiose dans laquelle il s'était mis, j'entends un grand bruit sur le côté bâbord. Je bondis dans le cockpit (si-si, il m'arrive de bondir), et là je constate avec horreur que je suis en train racler consciencieusement le flanc du Bavaria qui quelques minutes plus tôt se trouvait une centaine de mètres derrière moi. Oh bordel !!!! Mon pire cauchemar est en train de se réaliser ! (Encore !)

Je me précipite à la table à carte, enclenche le préchauffage du moteur, et alors que je tournais la clef pour lancer le bourrin survient un grand boum. Un gros pop plutôt... genre ballon de foot qui explose. En plus fort. De la fumée s'échappe de dessous la banquette bâbord, un odeur acide se répand partout dans le bateau. J'arrache la banquette et soulève le panneau du parc de batterie : La batterie moteur vient littéralement d'exploser !

Là, pour le coup, je panique un peu. Le mois dernier le bateau d'un copain a flambé comme une torche en quelques minutes, et depuis je redoute qu'il m'arrive la même chose. Mais non, ça fume encore un peu, mais pas de flammes... Je coupe tout, et je remonte sur le pont m'occuper du plus urgent, mon bateau qui continue de glisser inexorablement sous les coups de boutoir du vent. Heureusement le proprio du Bavaria est à bord et il me gueule sa permission pour que je m'amarre sur son arrière. D'après lui son corps mort est assez solide pour supporter nos deux bateaux... Ni une ni deux, je balance une patte d'oie et je m'accroche. Ouf, La Boiteuse s'arrête !

Deux annexes viennent à la rescousse. Gentils voisins qui bravent la tempête pour aider le pauvre type que je suis ! Car pour l'heure je suis dans un sale état moral... Je repense à la fois où j'ai dérapé à Trinidad, et je me dis que je dois être maudit quelque part. Que je vais revendre ce fichu bateau, et que plus jamais je ne remettrais les pied sur un voilier. Oui mais alors je fais quoi ? Et là le vide intersidéral de mes options me terrifie encore plus.

Ma détresse doit se lire sur mon visage car tout le monde s'applique à me rassurer. Le plus gros du grain est passé maintenant et un de mes voisins me propose de me remorquer à couple avec son moteur de 15 Cv jusqu'à une bouée de libre. Le proprio du Bavaria lui, me dit que je peux rester pour la nuit accroché derrière lui si je veux... J'hésite quelques secondes, mais même si apparemment je n'ai occasionné aucun dommage à son bateau, je me dis que je préfère ne pas tenter le diable et m'éloigner le plus possible.

Je largue mon mouillage, c'est à dire que je balance toute ma chaîne et son câblot au fond de l'eau avec un pare-battage pour le récupérer plus tard, et nous voilà parti. Un autre voisin a déjà noué deux aussières sur la bouée, et je n'ai qu'à m'en saisir pour mettre La Boiteuse enfin en sécurité. Ouf !

Autant vous dire que j'ai passé une nuit de merde. A deux heures du matin, et alors que le vent continuait à soufflé à plus de trente nœuds, je ruminais encore dans mon lit. Bon ok , le peu de confiance que j'avais acquis ces derniers mois envers mon mouillage venait de voler en éclat, cela je le comprenais. Et je savais qu'il allait me falloir tenter de surpasser ça. Encore une fois. Mais ce que je ne comprenais pas c'est pourquoi, nom de dieu de bordel de merde, cette foutue batterie avait explosé ! Quelle connerie avais-je bien pu commettre ?

Elle a fait boum !
Trois jours après, tout était plus ou moins rentré dans l'ordre, et je tenais les réponses à la plupart de mes questions. Bon, pour l'ancre qui dérape il semblerait que ce soit juste pas de bol. Vase fine et molle qui cède par plaque, et zou voilà le bateau qui part (comme à Trinidad) alors que mon voisin pourtant bien moins lourdement mouillé reste en place. Pas de bol je vous dis.

Par contre pour l'explosion j'ai bien peur que l'on soit obligé d'en rester au niveau des conjectures. Pourtant, parmi toute les théories possibles il y en a une qui me semble dominer les autres... Je vous la soumet et vous me direz ce que vous en pensez. (pardon pour les non-voileux, cela risque d'être un peu technique !)

Une dizaine de jours auparavant mon régulateur de panneau solaire a commencé à me raconter de belles conneries. Genre, 73 Amp chargés dans la journée alors que d'habitude une quarantaine me suffit. Re-genre 11 Amp chargés pendant la nuit (sic!)... Bref, un matin j'ai décidé d'en avoir le cœur net et j'ai vérifié avec le voltmètre ce qu'il en était vraiment. Oups ! J'avais les batteries à 15-17 V, alors que le régulateur me disait que j'étais sensé être à 13,2 V !

Tout est neuf
Bref, j'ai immédiatement débranché les panneaux et je me suis acheté un nouveau régulateur MPPT et un moniteur de batterie Victron. 250 Euros pour le tout (Ouille !)... Quid des batteries me suis-je enquis auprès de l'homme de l'art. Il faut que je les changent elles aussi ? En théorie oui me dit-il, mais ce n'est pas sûr... Il faudra surveiller de près. D'autant que là on part sur une facture de 900 euros si je renouvelle tout le parc avec des AGM... Bref, j'ai décidé d'attendre et de voir ce qui allait arriver. Et ce qui est arrivé, c'est un gros boum.

Voilà ! Vous savez à peu près tout de mes dernières aventures. Enfin, presque tout. Je ne vous ai pas dit que pendant tout l'épisode Touline n'avait rien trouvé de mieux que d'aller se réfugier dans le Bavaria, et que Zika a cru tout du long que c'était un jeu en venant se fourrer dans mes jambes à la moindre occasion, et de mordiller les mains de mes sauveteurs ! Il en a résulté quelques coups de pieds intempestifs de ma part bien sûr, mais tout s'est finit par un gros câlin collectif. Oui, Zika et Touline se font enfin des câlins, mais pour l’instant je n'ai pas pu encore immortalisé ce moment.

Elle ne pense qu'à jouer !

Le programme pour la semaine qui vient sera d'aller mettre La Boiteuse à l'abri dans la mangrove. Jusqu'à présent j'hésitais à le faire mais après ce qui m'est arrivé je pense que cela sera plus raisonnable. D'autant que j'ai décidé de rester encore un peu au Marin... Pour de multiples raisons que je vous expliquerais un jour si j'en ai le courage. Une fois que j'aurais nettoyé le bordel que j'ai dans la tête...

Allez les gens ! Merci de m'avoir lu après tant de mois silencieux. J'espère que vous ne m'en tenez pas trop rigueur !