dimanche 15 mai 2016

Pourquoi je n'irai pas au Venezuela

A la fin de mon dernier article, en bon auteur soucieux de maintenir son lecteur en haleine, je vous annonçais mon désir de me rendre au Venezuela pour la saison cyclonique. Bien sûr, les commentaires, ici et ailleurs, n'ont pas tardé... Tous aussi dissuasifs. Aussi j'imagine qu'à la vue de ce titre, la plupart d'entre vous vont pousser un ouf de soulagement.

Je m'en bat l’œil de tes soucis mon Papa...
Pour mettre les choses au clair, si je renonce à me rendre au Venezuela, ce n'est ni à cause des « pirates », ni de la violence qui règne dans ce pays. D'ailleurs vous aurez certainement noté les guillemets que je mets à « pirates ». Je ne crois pas qu'il y ait de piraterie au Venezuela. Certes, il y a des agressions de voileux au Venezuela (peut-être un poil plus qu'ailleurs mais cela n'est même pas sûr), mais il s'agit plus d'agressions occasionnelles perpétuées par des pêcheurs au bout du rouleau qu'un réel système organisé. Ce qui est sûr par contre c'est que chacune de ces agressions, sur terre comme sur mer, est montée en épingle aussi bien sur les réseaux sociaux que radio-ponton. Et que si l'on creuse un peu on s'aperçoit assez vite que les gens impliqués ont leur part de responsabilité... Sans parler que pour les raisons que j'évoque plus bas, la plupart des étrangers en ce moment au Venezuela sont un peu comme des cibles ambulantes car forcément blindés de thunes. Mais bon, je ne veux pas déclencher une polémique sur ce sujet, la suite de cette article suffira amplement !
Non, sérieusement, vous n'avez pas idée des fausses rumeurs et des descriptions délirantes qui pullulent aussi bien sur les pontons que sur le web. C'est hallucinant ! Et lorsque vous interrogez des témoins directs, ou des protagonistes, c'est à dire des gens qui vivent actuellement au Venezuela, dans leur bateau ou non, vous avez un tout autre son de cloche. Certes le Venezuela est un pays violent, mais pas plus que le Brésil, ou que la Guyane Française.

Bref, si je ne vais pas au Venezuela c'est une pour raison toute autre, qui a à voir avec mon satané sens de l'éthique. Vous savez, cette idée fixe chez moi qui consiste à croire qu'il y a des choses bien, et d'autres pas bien en ce monde. Que ces choses sont universelles, et que si je veux pouvoir me regarder dans la glace le matin, il me faut les respecter. J'appelle ça le sens de l'éthique, le sens moral ou de la déontologie, mais on pourrait également appeler ça le sens politique.

De quoi s'agit-il ? Et bien c'est encore une histoire de marché noir... Souvenez-vous, lors de mon passage en Argentine je me suis heurté à un système de trafic de devises qui, bien qu'il ait pignon sur rue n'en était pas moins aussi illégal qu'immoral. Et j'insiste sur le côté immoral. A l'époque, et après avoir longuement cogité sur ma place en ce monde et sur le rôle que j'estime devoir y jouer, j'avais refusé de me prêter à ce jeu quitte à ce que mon séjour à Buenos Aires me revienne plus cher. C'était en 2013, et depuis, pas un instant je n'ai eu à regretté ma décision.
Alors, lorsque j'ai appris qu'au Venezuela il régnait le même marché noir, mais en dix fois plus important, le même cas de conscience c'est présenté à moi. Avec une différence notable toutefois... En Argentine, la différence entre le taux de change officiel et l'illégal était plus ou moins de un pour deux. Genre, un dollar valait cinq pesos à la banque et dix au marché noir. Au Venezuela, on est dans un rapport de un à cent ! C'est à dire qu'aujourd'hui avec un dollar à la banque vous avez 9,94 Bolivares, et dans la rue vous en avez 1096 !
Concrètement, si je ne respecte pas mes règles, et accessoirement la loi vénézuélienne, je vais dépenser en six mois là-bas ce que je dépense en un mois en Martinique. Et si je décide de m'en tenir à mes principes, ce séjour me coûtera trois fois plus cher que si je restais ici.

Du coup mon côté cupide (car j'en ai un, comme tout le monde) s'est exprimé un peu plus longuement cette fois... Mais après plusieurs jours de cogitation, il a quand même finit par fermer sa gueule.

Pour moi, le constat est simple, et désolé si cela vexe certains de mes lecteurs : Certes, il est important pour moi de privilégier les pays où le coût de la vie est moindre afin de faire durer mon voyage le plus longtemps possible. J'en ai conscience. Mais il est hors de question que je « profite » plus que nécessaire de ma position d'européen privilégié. Qu'importe la vie de pacha que j'aurais pu m'offrir pendant les six mois que je comptais passer là-bas, je ne profiterais pas de la misère d'un peuple pour mon seul plaisir et l'enrichissement de quelques-uns. En clair, je préfère ne pas y aller plutôt que devoir m'y conduire comme un salaud à mes yeux. Oui je sais, c'est un peu abrupt comme sentence, et légèrement provocateur... Car tout ceux qui se rendent au Venezuela ne se posent tout simplement pas les mêmes question que moi. Mais c'est ce que je pense au plus profond de moi-même.

Quel sera le prochain ?
Donc, à cause de mon foutu sens moral, me revoilà dans l'incertitude. Que faire à partir du mois de juin ? La solution la plus simple serait « d'hiberner » à Grenade... Cela me permettrait, à la belle saison, de pouvoir revenir en terre française un peu plus facilement, et pouvoir me remettre à « chercher » une solution à mon avenir. Mais franchement cette perspective m'enchante guère. J'en ai soupé des îles anglaises, et de ces habitants si peu souriants.

Cartagena la belle
La seconde solution, plus aventureuse, serait de poursuivre vers l'ouest vers une destination qui me tente sacrément depuis un bout de temps : La Colombie. J'avais laissé tombé cette destination, tellement j'étais préoccupé par mon avenir à long terme... En fait, je pensais sérieusement que ma route allait s'arrêter ici pour tout vous dire. Du moins pour un temps. Et que je la reprendrais une fois ma sécurité financière assurée pour au moins deux ou trois ans. Je ressentais une certaine lassitude aussi... En même temps qu'un léger désespoir. Bref, j'avais exclu la Colombie de mes projets, pensant qu'une fois là-bas il me serait impossible de revenir si jamais je devais manquer d'argent. Et puis le hasard a, comme souvent, bien fait les choses. J'ai reçu un message Facebook d'une relation qui me rappelait combien la vie pouvait être sympa en Colombie, et puis que finalement revenir était difficile certes, mais pas impossible (merci Geneviève !). Et puis tout compte fait, j'ai encore les moyens de le faire... alors pourquoi pas ? Ce sera toujours mieux que de marner ici de toute façon.

Paulina Vega, Miss Univers 2014
Donc voilà. Ma décision n'est pas encore définitive, mais elle en prend sérieusement le chemin. Je me prends à rêver de nouveau. Je fais des listes. Je me projette. Du coup l'endorphine recommence à couler dans mes veines, et c'est tant mieux. Et puis, si jamais je devais renoncer définitivement à voyager, six mois en Colombie ce ne serait pas si mal comme baroud d'honneur, non ?

Pour finir, je me dis que ce n'est finalement pas si mal de zapper le Venezuela et de filer directement en Colombie. Car comme je l'ai dit plus haut ce pays m'attire comme un aimant depuis des années maintenant. Vous le savez, je me méfie des impressions, du feeling comme on dit, car elles comportent une part d’irrationnel. Mais en ce qui concerne la Colombie, je ne saurais dire pourquoi, mais quelque part je « sais » que c'est là-bas que ma vie pourra sans doute trouver un sens... Bon, en même temps je me dis aussi que je suis en train de mettre une putain de pression sur les épaules, je ne vous raconte pas !