vendredi 29 janvier 2016

Tyrell Bay de sept à huit

12°27.305N 61°29.305W
Tyrell Bay, Carriacou

Ce matin je n'ai rien de particulier à vous dire mais je ressens tout de même le besoin de vous donner quelques chose à vous mettre sous la dents. Et puis cela fait un bout de temps que je ne me suis pas fait une petite balade photo... Donc, à défaut d'un texte pertinent, que dis-je, éclairé, vous aurez droit à quelques images de mon environnement immédiat. A savoir Tyrell Bay.
Alors si vous le voulez bien, embarquez avec moi dans la WalkerBay et allons faire un petit tour. Il est sept heures du matin, et la lumière est idéale, même si j'aperçois à l'est quelques gros nuages chargés de pluie.

Je fais un petit tour sur le pont, histoire de compter les bateaux comme je le fais chaque matin. Aujourd'hui j'en dénombre 103. Normal, nous venons de vivre cinq jours de vent fort, et pas mal de voiliers sont venu se réfugier à Tyrell Bay. J'en profite pour jeter un œil à ma chaîne. Tout semble en place. Non seulement je suis fier (et rassuré) de mon mouillage, car il n'a pas bougé d'un poil malgré quelques rafales plutôt balèzes, mais en plus ce matin je trouve ma tête d'alouette particulièrement élégante. La lumière sans doute.


Touline est assise sur la table du carré. Elle a le regard perdu vers quelque chose que je ne vois pas. Je la laisse à ses rêveries et j'embarque dans l'annexe. Une petite vue de la Boiteuse pour commencer. C'est qu'elle est belle ma Boiteuse malgré sa peinture défraîchie. Souvent on m'en fait le compliment, et à chaque fois je souri avec modestie. Oui, je sais qu'elle est belle, mais il faut dire qu'elle a pas mal de concurrence dans le coin. Tien, prenez mon voisin la Mistress par exemple. Wahou... Ça c'est un beau bateau. A côté, La Boiteuse fait pâle figure, croyez-moi.



Quelques minutes de moteur au ralenti m'emmènent vers les pannes où viennent s’accrocher le pétrolier ravitailleur. Là, je sais y trouver quelques sujets intéressants... Et en effet, les locataires du coin terminent leur nuit. Un fou (Brun, Sula leucogaster), un pélican (Brun aussi, Pelecanus occidentalis) et quelques Sternes (Royales Thalasseus maximus) me regardent dériver vers eux, moteur coupé, tandis que je les mitraille sans vergogne. Ils prennent la pause autant que leur patience le permet, puis s'envolent un à un. Seules les sternes me balancent une insulte au passage.



Faire chier les oiseaux, ça c'est fait. Direction le rivage à présent. Je laisse l'annexe amarrée sur le ponton désert, et je grimpe les quelques marches jusqu'à la rue. Sous un carbet, un chien finit sa nuit. Je le connais bien celui-là. Un vrai pique assiette comme tous les chiens qui vadrouillent par ici. Toujours en train de mendier des caresses ou des bouts de quelque chose aux clients des restos.
Mais ils sont sympas. Tien, ça me fait penser que je n'ai pas vu de chats depuis que je suis ici...

Quelques pas me mènent vers le cliché qu'il ne faut pas rater à Tyrell Bay sous peine de passer pour un ringard. Le point wifi du coin ! Non, j'rigole. Mais on pourrait imaginer que parfois la blague peut se transformer en œuvre d'art. Ou vice-versa. Je réfléchis un quart de seconde au concept, puis je continue mon chemin.

Sur la plage de sable pas blanc, quelques volutes torturées et mystérieuses attirent mon œil expert. Caillou de corail. Non, pierre de corail plutôt, comme ça ça fait pierraille. Donc voilà, pierraille sur fond de sable gris. Encore une œuvre d'art que la nature nous offre.


Ah tien, voilà un lambi posé là. Clic-clac. J'en ai mangé la semaine dernière... Bof, vous m'auriez mis du calamar dans l’assiette, cela aurait été la même chose. Par contre la langouste.... Yummy !

Bon allez, il est temps de se rentrer car les gros nuages gris grossissent et noircissent à vue d’œil. Une petite dernière pour la route, mais celle-ci n'a pas été prise par moi. En effet, pour avoir un point de vue aussi haut, il aurait fallu que je me fasse bobo au peton. Donc, merci Françoise.


Huit heures, Touline m'accueille avec un miaulement interrogateur et saute dans l'annexe pour voir si par hasard je ne lui aurait pas ramené quelques poissons. Et non ma vieille, la friture c'était hier. Aujourd'hui j'ai préféré satisfaire mes lecteurs plutôt que de me faire bouffer par les moustiques dans la mangroves. Chaque jour ses priorités, que veux-tu...
  




mercredi 20 janvier 2016

Impressions de Carriacou

12°27.305N 61°29.305W
Tyrell Bay, Carriacou

Alors ? C'est comment le paradis ? J'imagine que vous êtes curieux (du moins je l'espère) de savoir qu'elles sont mes impressions sur Carriacou et Tyrell Bay, depuis deux semaines que je suis là.
En toute honnêteté, je vous avouerais que depuis mon arrivée je me creuse le ciboulot pour trouver les mots afin de traduire au mieux ma pensée. Non-pas que je sois en manque d'adjectifs, loin de là, mais ceux-ci sont tellement, comment dire, caricaturaux, que j'en suis venu à douter de mon objectivité. Je parle de mon objectivité envers moi-même, hein ! Ou de ma subjectivité si personnelle qu'elle en devient objective si vous voyez ce que je veux dire... Non ? Vous ne voyez pas ? C'est pas grave, moi j'me comprends...
Bon ok, pour le dire autrement, tout le monde trouve que Tyrell Bay c'est super chouette et moi aussi, mais pas pour les mêmes raisons. Mais comme je n'arrivais pas à me décider de savoir si j'étais définitivement aveugle, ou trop aigri pour profiter de ce que la terre est sensée offrir de mieux, j'ai décidé de poser quelques questions autour de moi. Deux question, en fait. Qu'est-ce qui vous plaît ici, et qu'est-ce qui ne vous plaît pas ? Comme ça, vous aurez plusieurs sons de cloche et pas seulement le mien, et vous pourrez vous faire votre propre avis. Oui je sais, j'ai le sens du service public, c'est comme ça.

Donc voilà. J'ai posé ces questions à une douzaine de personnes, de plusieurs nationalité, et il en ressort ceci.

Tyrell Bay
En règle générale si tout le monde apprécie Tyrell Bay, c'est parce que, et c'est l'argument principal, le développement touristique y est minimal. En effet, le bord de mer est d'une simplicité accueillante, et les collines environnantes sont modérément parsemées de jolies maisons laissant largement place à la verdure. Des sentiers bucoliques sillonnent le maquis (Carriacou est assez sec si l'on compare à Grenade ou à Trinidad), et conduisent à de jolis points de vue. On peut même croiser quelques chèvres en liberté... Bref, bucolique je vous disais.
Peu ou pas de commerces, peu ou pas de voitures, quelques épiceries, quelques bars, du wifi partout même si de piètre qualité... L'eau claire, bien sûr. Des prix raisonnables (la langouste vivante revient à 35 EC$ soit huit euros le kilo)... Bref, Tyrell Bay est un endroit sympa.

La Boiteuse au Mouillage
Pour la quasi unanimité, le point noir de Tyrell Bay c'est qu'il y a trop de bateau (ce matin j'ai compté 78 voiliers au mouillage, mais c'est plutôt vide par rapport au jour de mon arrivée). Ensuite, et c'est là que ça devient rigolo, voire paradoxal, l'argument négatif qui suit est le pendant du principal argument positif... A savoir que même si Tyrell bay est encore « un peu préservée », ça reste quand même un trou paumé... Et c'est là que je me gausse ! Non mais c'est vrai quoi ; les gens veulent avoir l'impression de jouer les Robinson Crusoé, mais pas trop quand même. Seuls au monde parmi les autochtones, mais bordel s'ils étaient un poil plus civilisés, ça serait quand même un peu mieux.

Tien, un nouveau vient d'arriver...
Pour ma part, et là j'imagine que vous trépignez d'impatience de connaître mon avis personnel, même si vous vous doutez déjà un peu de ce que je vais dire parce que vous êtes des lecteurs assidus, pour ma part disais-je, j'ai un avis radicalement contraire. Oui, je suis un rebelle.
Franchement, la plage de Tyrell Bay n'a pas grand intérêt. Le bourg est sans charme. Il y a un bar sympa (le Lazy Turttle) mais les autres sont plutôt glauques et le wifi y est parfois désespérant. Les épiceries sont aussi peu achalandées que le personnel est souriant. Hillsborought après vingt minutes de taxico, idem. Bref, Carriacou, et Tyrell Bay en particulier, est vraiment un trou paumé !
L'eau est claire certes, mais les fonds sont quasiment déserts. Cela dit, je m'en fout un peu, le seul intérêt d'une eau transparente à mes yeux, c'est qu'on peut vérifier que son ancre est bien accrochée. En plus l'eau est froide... (26°C pour moi c'est froid, et je vous emmerde). Sans oublié que la vie est plutôt chère...

Fonce mon Papa !
En toute honnêteté, la seule chose d'appréciable à mes yeux, c'est que justement il y a plein de bateau ! J'vous jure, c'est génial !!! Si l'on excepte les charters qui ignorent tout le monde et se font ignorer par tout le monde, chaque jour voit arriver son lot de nouveaux voyageurs. Des au long cours, des sabbatiques ou des vacanciers. Tout plein de nationalités différentes, avec des bateaux de toutes les tailles et de toutes les formes... Depuis que je suis là, j'ai rencontré des tonnes de gens, tous plus sympas, souriants ou passionnants, les uns que les autres. Franchement, j'adore ça !
Le matin de bonne heure, Touline et moi on saute dans l'annexe, et on commence notre tournée. On passe saluer les nouveaux arrivants, et taper la discute avec ceux qu'on connaît déjà. On boit des cafés en échangeant les derniers potins (t'as vu qui c'est sur le sloop en acier là ?). Touline s'éclate en fouillant chaque bateau de font en comble (ou de la cale au vaigrage si vous préférez), et en se faisant câliner par tout le monde.

L'équipage en balade
Vous l'aurez compris, pour moi le seul intérêt de cet endroit ce sont les relations humaines. Par contre, et cela commence à m'inquiéter, je me rends compte que ces relations sont orientées presque exclusivement vers mes « congénères » voileux... D'autres me parlent de super-rencontres avec les habitants, d'échanges riches et passionnants... Moi, depuis le Brésil, j'ai l'impression que tout le monde me fait la gueule. Ce qui n'ai pas très engageant vous en conviendrez. Il va falloir que je travaille là-dessus.

Voilà-voilà ! J'ai terminé. Il me reste deux choses à faire : La première est de vous repréciser, au cas où il en serait besoin, que mon avis n'engage que moi, et que je comprendrais parfaitement que vous ne le partagiez pas. Le monde est vaste, l'humanité variée, et c'est tout à fait bien comme ça.
Ensuite je voulais dédier cet article (j'ai le droit, je fais ce que je veux) à tous ces gens rencontrés depuis quinze jours. A Jicé, Tony, Yolande, Paco, Lucie, Olivier, Chantal, Jean-Philippe, Robert, Françoise, Fathia, François, Moana, Bernard, Françoise, Annie, Georges, Natalia, Manu, Mathieu, Isabelle... Et tant d'autres dont j'ai oublié les prénoms. Merci à tous ! 


T'es un peu collant mon Papa, tu sais ?

Touline en mode glamour


vendredi 8 janvier 2016

De Trinidad à Carriacou

12°27.305N 61°29.305W
Tyrell Bay, Carriacou



Le mardi 5 janvier 2016 – Un départ sous escorte

04H45 : Pffff... Cela va faire presque deux heures que je suis debout à préparer La Boiteuse pour le navigation à venir. J'ai peu et mal dormi... La faute aux services d'immigration qui ont perdu mon dossier et m'ont fait poireauter pendant trois heures, entamant ainsi mon quota de sommeil vespéral (ma sieste si vous préférez). Et si j'ai mal dormi cette nuit c'est aussi à cause du vent qui n'a pas cessé de souffler alors qu'il aurait dû s'affaiblir progressivement. A l'heure qu'il est, c'est toujours un peu venteux et je commence à me dire que lever l'ancre risque d'être un peu scabreux.

Un "petit" détour
Cette navigation qui s'annonce sera assez courte, à peine 130 milles, mais paradoxalement ce sera peut-être également une des plus compliquées de ma « carrière » de marin. Ceux qui pratiquent régulièrement la navigation dans les Caraïbes le savent, la géographie, les vents et les courants font qu'en cette saison, lorsque l'on vient du sud et qu'on va vers le nord, c'est du près, voire du près-serré, dans une mer houleuse. Il n'y a pas le choix, c'est comme ça. Si on veut être plus tranquille, on peut toujours passer sous le vent des îles, au moteur, mais entre les îles il peut y avoir des accélérations infernales. Bref, les mouillages paradisiaques et les paradis fiscaux se payent au prix fort quelque part...

A cela s'ajoute un problème supplémentaire dont je me serais bien passé : Les pirates. Le 17 et le 29 novembre 2015 deux voiliers qui ralliaient Grenade à partir de Trinidad ont été arraisonnés et dépouillés. L'un faisait 74 pieds et l'autre 32. Le premier a été attaqué vers minuit et l'autre vers dix heures du matin... Bref, le seul point commun entre ces attaques est qu'elles ont eu lieu aux environs de deux plate-formes gazières abandonnées, joliment baptisées Hibiscus et Poinsettia, et situées plus ou moins à égale distance entre Grenade et Trinidad.

Pour ma part, j'ai l'intention de zapper l'île de Grenade et de rejoindre directement Carriacou. Mais si je vais tout droit, ma route passera nécessairement pile entre les deux plateformes... J'ai donc mis au point une stratégie d'évitement qui consiste à longer la côte nord de Trinidad, contre vent et courant et au moteur, afin de rallier Chupara Point. Puis de filer plein nord tout feux éteints. Cette route devrait me faire passer à plus de dix milles à l'est de Poinsettia, hors de vue des pirates qui, le suppose t-on, ne devraient pas disposer de radar.

La chance veut que la fenêtre météo que j'ai choisi devrait me permettre d'aller assez vite... En tout cas je l'espère. Et la bonne nouvelle est que je ne serais pas seul pour cette nave, puisque le Neblon de Chantal et Olivier devrait m'accompagner jusqu'à Carriacou.

08H45 : Ça y est, La Boiteuse est prête. J'ai rendez-vous avec Neblon à Chaguaramas vers 11H00. Tien, je vais vérifier le niveau d'huile, ça va m'occuper...

Ok, RAS. Ce qui m'embête un peu, c'est que le vent n'a pas cessé. Heureusement, pendant cette escale j'ai vérifié le guindeau électrique et celui-ci fonctionne ! La dernière fois que je m'en suis servi c'était (fiou !) il y a presque cinq ans à Port-Cros !

09H00 : Putain, fait chier ! Je suis en train de stresser à mort ! J'ai l'habitude du stress avant-départ, mais là c'est autre chose. Il faut que j'arrive à me calmer... Respire mon Gwen, respire...

Mon matos de défense
09H20 : A toute fin utile je viens de relire la notice d'emploi des fusées-parachutes et des feux à main. Mon matos est périmé depuis avril 2014, mais il faudra bien qu'il fonctionne le cas échéant. J'ai également préparé mon lance-fusée. En tire tendu, ça peut faire des dégâts ce truc-la...

Quoique... Je reviens sur ce stress qui me tord l'estomac. Si je réfléchis bien ce n'est pas tant cette nave en elle-même, aussi compliquée soit-elle, qui m'agite qu'une perte générale de confiance en moi et en mon bateau. Il est clair que mes dernières expériences malheureuses, la perte de l'arbre d'hélice, le dérapage au mouillage, etc, ont sérieusement entamé mon capital confiance. Ou mon inconscience. Peut-être que la réalité me rattrape finalement, et qu'elle me botte le cul. Je n'en sais rien... Bref, Il faut absolument que je me reprenne, parce que si ça continue comme ça, autant tout arrêter.


09H30 : C'est bizarre, mon GPS qui depuis Kourou refusait de me donner ma position, consent de nouveau à le faire. Merci monsieur GPS ! Encore un petit effort et tu m'affiches le cap, d'accord ?

09H50 : Ben voyons ! Alors que je suis sur le point de partir, voilà un gros nuages noir qui se pointe ! Pffff... Ça commence bien !

Ça commence bien !

10H00 : Allez, on y va. Mercedes se fait tirer l'oreille, mais démarre finalement. Touline fonce se planquer dans l'équipet.

Je commence à relever l'ancre avec le guindeau, mais le vent est toujours un peu fort alors je suis obligé mettre en marche avant lente. La Boiteuse se met en travers plusieurs fois... m'obligeant à faire des aller-retours entre le cockpit et le guindeau. Mais au final je m'en sors pas trop mal. Tant mieux, parce que relever à la main 40 m de chaîne de 8mm avec cette brise, j'en aurais chié des boulettes.

11H00 : J'ai contourné Pointe Gourde et suis arrivé dans la baie de Chaguaramas. Neblon est encore à quai avec son taud installé. M'est-avis qu'ils en ont encore pour un moment, alors je décide de m'accrocher à la première bouée de libre. Hop, c'est fait. Entre-nous soit dit, la manœuvre est impeccable. Si-si, vraiment ! J'ai vu des équipages de quatre personnes ne jamais arriver à choper une bouée du premier coup, alors je peux vous dire qu'y arriver en solo m'épate toujours un peu.

Bref, je joins le Neblon à la VHF sur le 68, et Olivier me répond qu'ils en ont encore pour une demi-heure. Pas de problème, c'est cool. Je vais en profiter pour me faire un café.

12H05 : Appel de Chantal sur la VHF, ils démarrent incessamment sous peu.

12H25 : Et c'est reparti ! Alors que le Neblon me passe sur bâbord, je démarre le Mercedes et largue la bouée. Bye-bye Chaguaramas, au plaisir de ne plus te revoir ! Direction les Bouches du Dragon !

12H55 : On passe devant Scottland Bay à plus de 7,5 nœuds. Non, 8 nœuds ! Comme quoi, j'ai bien fait de prendre en compte les horaires de marée pour partir. Profitons-en, parce que dans pas longtemps on va avoir vingt milles à faire avec le courant et le vent dans le nez.

13H05 : La sortie des bouches est un peu chaotique. Ça bouillonne de partout et La Boiteuse tape dans la vague en soulevant d'énormes gerbes d'eau. C'est ce qui s'appelle, rentrer dans la plume ! Limite, je sens un vilain mal de mer qui monte le long de mon œsophage.


Coast Guards
13H40 : J'aperçois sur bâbord arrière une grosse vedette des garde-côtes trinidadiens. Aussitôt, je bascule la VHF sur le canal 16 et je les entends essayer d'entrer en communication avec nous. J’entame le dialogue et réponds aux questions qu'ils me posent. Où nous allons, d'où nous venons, combien sommes-nous, quand pensons-nous arriver au prochain port... Je réponds obligeamment à toutes leurs question tout en exprimant ma satisfaction de les voir dans les parages. Ils m'informent qu'ils vont rester dans le coin et que nous n'avons qu'à les appeler en cas de problème. Cool, merci messieurs !

13H50 : Hihihi ! Je n'avais pas pigé que lorsque les gardes-côte me disaient qu'ils allaient rester dans le coin, c'est qu'en fait ils allaient nous faire escorte ! Voilà la vedette qui navigue parallèle à nous, et à la même vitesse ! N'empêche, si on m'avait dit qu'un jour je ferais route sous escorte... Ça fait tout drôle, je vous jure.


15H00 : Encore 15 milles à faire avant d'arriver à Chupara Point. Pfff... A cette vitesse on y est dans cinq heures... A moins qu'on décide de couper le fromage si le vent nous le permet... Pour l'instant on avance à 3,5 nœuds, avec le vent et le courant contraire.


La Boiteuse et un pélican anonyme...

15H20 : Gros dauphins sur tribord ! Merde, je n'ai même pas le temps de sortir l'appareil photo qu'ils ont déjà filé.

15H40 : Ça se creuse de plus en plus, avec les embruns qui recouvrent le pont. Et on pioche, et on pioche... Heureusement, le moteur ronronne comme un chaton. (Tais-toi malheureux ! Tu vas nous porter la poisse !)

Les gardes-côtes sont toujours là.

16H45 : Chupara Point est bien visible maintenant, à une dizaine de milles. Barque de pêche sur tribord. Merde, faudrait peut-être que je regarde devant de temps en temps, non ?

17H15 : Tien, la force du courant baisse. J'arrive à faire du 4 nœuds maintenant.

17H45 : Le soleil est sur le point de se coucher derrière les montagnes de Trinidad. C'est bientôt l'heure de faire un point et, pourquoi pas, hisser la GV.

Coucher de soleil sur Trinidad
18H00 : Ok. On n'y est pas encore tout à fait, mais j'ai quand même hissé la GV et abattu de 30°. Dans la foulée je vois Neblon qui fait de même.

18H35 : Les gardes-côtes se sont éloignés mais nous suivent toujours.

19H00 : Arrêt moteur. Cap au 15°, GV haute et foc et ¾. 4,5 nœuds tranquillou-Marylou, dans une mer calme. J'ai faim, et Touline aussi apparemment.

19H45 : Plein Nord maintenant à 6 nœuds à 70° du vent. Ça commence à devenir chaud ! Je me prépare un bol de nouilles.

20H30 : Depuis quelques minutes on fait des runs à plus de sept nœuds... Je me demande si je ne vais pas devoir prendre un ris...

21H00 : J'ai réduis le foc, mais on file toujours à plus de 6 nœuds. Neblon s'éloigne pourtant dans la nuit tandis que les lumières de la plate-forme Poinsettia se rapprochent sur bâbord avant. On devrait être hors de portée des pirates d'ici deux à trois heures... Entre la plate-forme et nous, j'aperçois les lumières de la vedette des gardes-côtes. J'arrive pas à croire qu'ils soient encore là !


22H30 : Ça y est, on passe Poinsettia. Le vent refuse, je suis obligé de lofer de 10°. On fait toujours entre 6,5 et 7 nœuds... En temps normal, je veux dire sans la présence des pirates, j'aurais réduis depuis bien longtemps de peur de casser quelques chose. Mais là... Il n'y a pas le choix, il faut foncer.

22H45 : Je dois lofer encore de 10°. Je suis au près serré maintenant.

Le mercredi 6 janvier 2016 – Une arrivée sur les chapeaux de roue

06H00 : La deuxième partie de nuit a été plus calme, et j'ai pu un peu dormir. On a fait une moyenne sur douze heures de 4,58 nœuds. Soit presque 55 milles. Carriacou n'est plus qu'à 45 milles, et je pense qu'on devrait y arriver vers 16H00. Sans doute plus tôt.

Neblon a disparu peu après minuit, et j'ai beau scruter l'océan, je ne vois pas une seule voile à l'horizon.


C'est une île ça là-bas ? On y va ?
08H30 : Tien-tien... Seraient-ce les côtes de Grenade que j'aperçois là-bas ? Et oui ! A peine visibles dans la brume matinale, ce sont bien elles !

Pour fêter ça, je m'avale un Sour Cream. C'est un espèce de yaourt aigre que j'ai découvert à Trinidad. Avec plein de sucre roux c'est délicieux !

Par contre, Touline s'en fout un peu de Grenade car pour l'heure elle a entrepris de me faire chier. Bon ok, je l'ai un peu mérité... J'ai complètement oublié de lui acheter des croquettes ! Oui je sais, honte à moi... Je suis en dessous de tout sur ce coup-là.

09H40 : Je peux à présent embrasser toute l'île de Grenade d'un seul regard. Elle n'est pas bien grande finalement... (une trentaine de kilomètres de long en fait). Des grains commencent à se former, fort heureusement pour l'instant ils me passent par l'arrière. On avance à 4,5 nœuds, tranquille. Plus que 25 milles à faire...

10H20 ; J'aperçois l'île Ronde.


12H00 : Carriacou est en vue ! Plus que 15 milles avant le mouillage de Tyrell Bay. La nave est comment dirais-je... Sportive. 5 à 6 nœuds dans une mer un peu agitée. Vivement qu'on arrive !

Carriacou
13H00 : Je viens de piquer un petit somme, et du coup à mon réveil Carriacou s'est rapprochée à la vitesse grand V. En même temps, on frise les sept nœuds, alors c'est un peu normal. Entre les îles, le vent et les courants augmentent ce qui va nous faire arriver un peu plus tôt que prévu. C'est chouette ! (pour une fois, parce que d'habitude c'est plutôt l'inverse)

13H15 : Oups ! J'ai failli oublier un détail ! Hop, je grimpe sur le pont et je descends les couleurs de Trinidad pour hisser le pavillon Q à la place. Pour les couleurs de Grenade, qui entre parenthèse sont très jolies, ce sera pour plus tard, une fois que j'aurais fait les formalités d'entrée.

13H30 : Il faut que je vous avoue un truc. Je suis à la fois curieux et circonspect quant à cette future escale. Curieux car je vais enfin mouiller dans ce que les croisiéristes considèrent comme la Mecque, The Place to Be, avec ses eaux transparentes et ses paysages de carte postale. Et circonspect car je crains que les conditions du mouillage justement, ne m'empêchent d'en apprécier les qualités. Si qualités il y a, bien sûr. Bref, wait and see...

Barracuda !
13H40 : Et qui c'est qui vient d'attraper son premier Barracuda ? Hein ? La bête n'est pas encore morte que je lui ai déjà coupé la queue pour la donner à Touline. La chatte se jette dessus comme la vérole sur le bas-clergé, et je suis sûr qu'à ce moment là elle me pardonne enfin d'avoir oublié ses croquettes.

14H20 : J'approche de la baie, je peux distinguer les voilier au mouillage. A vue de pif, je dirais qu'il y en a au moins une cinquantaine.

14H35 : Allumage moteur et affalage des voiles impeccables. Maintenant il s'agit de trouver une place dans ce gigantesque parking... Parce que c'est blindé !

15H00 : Je jette l'ancre à la périphérie du troupeau dans trois mètres d'eau. Effectivement, on ne m'a pas menti, je peux voir mon ancre et ma chaîne... C'est la première fois en presque cinq ans !

Le vent souffle assez fort, quinze nœuds je dirais, mais il n'y a pas de clapot. Comme je n'ai personne derrière moi, j'en profite pour balancer 35 mètres de chaînes. Dix fois la hauteur d'eau ça devrait le faire, non ?

Tyrell Bay
Ensuite j'ai mis l'annexe à l'eau et je suis allé rendre visite à Chantal et Olivier qui ne sont arrivés finalement que deux heures avant moi. Nous avons convenu ensemble que bien qu'un peu sportive, la nave s'était bien passée... Surtout la première partie qui fut moins dure qu'on ne le pensait, et la présence rassurante des gardes-côtes a été la cerise sur le gâteau. Ou la grillote sur le clafoutis, comme vous voudrez.

Voilà-voilà ! Demain je fais mes papiers et ensuite j'essaie de trouver ce que cet endroit a de si particulier pour attirer tant de monde. Pour l'instant, je suis perplexe...

Épilogue :

La première nuit a été comment dire... Infernale. Flippante à souhait. Le vent a soufflé en rafales mugissantes, faisant valdinguer La Boiteuse au bout de sa chaîne. J'avais tellement les jetons de déraper que je me suis couché dans le cockpit comme si j'étais encore en nave. Mais même là, je n'ai pas réussi à trouver le sommeil. A chaque fois que le vent montait, je me redressais avec un nœud dans l'estomac et en scrutant les lumières de mes voisins pour voir si elles étaient toujours à la même place. Franchement, je n'ai pas aimé. Mais alors pas du tout.

Entre deux rafales, je remuais de sombres pensées... Je me disais que si c'était ça les Antilles, j'allais me casser d'ici dès le jour levé. Les alizés jour et nuit, quinze nœuds de vent en permanence, ce n'était vraiment pas un endroit où j'avais envie d'être. Alors c'est vrai, il y en a qui disent que c'est agréable parce qu'il fait moins chaud... Tu parles ! Moi j'en ai rien a foutre d'avoir chaud ! On contraire, j'aime ça ! En pleine nuit il faisait 24° dans le bateau, autant dire qu'il faisait froid.


J'exagère à peine le trait, croyez-moi. J'ai détesté cette première nuit, et franchement, si j'avais été en mer avec un coup de vent de force huit, deux ris dans ma GV et un semblant de foc à l'avant, j'aurais mieux dormi. Mais bon, ça s'est calmé un petit peu, et j'ai finalement pu m'endormir vers 23H00... A moins que ce ne soit la fatigue qui ait eu raison de moi. 
 
Au départ de Chaguaramas