mercredi 30 juillet 2014

Broderies

20°18.042S 40°17.316W
Vitória

Vitória
Voilà un peu plus de quinze jours que la Boiteuse se dandine accrochée à sa bouée devant le Iate Clube do Espirito Santo. Quinze jours... qui sont passés à une vitesse de dingue.

Vous pourriez croire que cette fuite du temps est le résultat d'une suractivité. Que des journées bien remplies et productives passent plus vite que celles passées à rien foutre... C'est ce qu'on dit généralement, mais je vous assure que pour moi c'est tout l'inverse. Je suis un pro de la routine, un maître es-glandouille. I am The King of lazyness ! Donnez-moi un moral pas trop haut, un ordinateur et une bonne connexion wifi, et je suis alors capable de créer une faille spatio-temporelle et de m'immerger à l'intérieur pendant des mois... J'ouvre des parenthèses, et je m'y enferme dedans en attendant que les choses se délitent d'elles-mêmes.

Cela dit, comme j'ai quand même le respect du lecteur, je me suis dit que j'allais vous tenir au courant des derniers développements, même si pour être honnête il n'y aurait à peine de quoi remplir un paragraphe. Mais je suis également le roi des fumistes, alors je vais broder et vous tenir en haleine pendant au moins 1000 mots !

Puisqu'on parle de broderie, qu'en est-il de ce foc qui fut mis en lambeaux lors de ma dernière navigation ? Comme vous l'avez lu, après mon arrivée je ne donnais pas cher de sa peau, mais j'attendais tout de même de pouvoir le décrocher de son étai afin de savoir à quoi m'en tenir. Manque de bol, il m'a fallu attendre plusieurs jours pour y arriver, tant celui-ci était inextricablement entortillé autour de dudit étai (Oui parce que contrairement à ce que j'ai toujours cru jusqu'à aujourd'hui, on dit UN étai et non-pas une étaie. Toute une vie à commettre la même erreur et personne pour la relever, je trouve ça révoltant ! (Vous voyez comme je sais broder ?)).

Bref, j'ai essayé pendant un moment, mais cela s'est avéré impossible. Pour y arriver il me fallait un coup de main... Ce qui devient assez compliqué lorsque vous êtes dans un endroit où vous ne connaissez personne, ou presque, ou bien que ceux que vous connaissez sont bien trop occupés. 
 

Au bout de quelques jours, et au hasard d'une discussion avec un argentin, j'ai nonchalamment glissé dans la conversation que un poco de ayuda para subir el mástil, ne serait pas de refus. Et une heure plus tard je me retrouvais à faire le singe le long du mât de La Boiteuse. Comme quoi dans la vie si vous demandez de l'aide, il y a peut-être une chance que vous l'obteniez. Le tout étant déjà de la demander !

Je me suis fait hisser jusqu'en haut, puis je suis redescendu le long de l'étai (sans e). Arrivé au nœud du problème, je me suis attelé à dénouer le bordel, non sans, hélas, y aller de quelques coups de couteau. L'opération était assez rigolote, puisque je me trouvais le cul dans le vide avec les jambes autour de l'étai. Mais en deux minutes le problème était réglé et la voile reposait sur le pont. Muchissima gracias amigos.

Après un examen attentif, je me suis rendu compte que c'était moins pire que ce que je pensais. Je sais, ce n'est pas très français comme phrase, mais c'est celle qui me semble la plus descriptivement appropriée (et je fais des néologismes si je veux). En clair, la chute et la bordure étaient complètement niquée, quasiment sur toute leur longueur, mais le cœur de la voile, comme le cœur de la meule, était intact. Et je dirais même ; en parfait état.

Brazilian girl archetype !
Moi qui pensais devoir racheter une voile, je me trouvais donc un poil rassuré car je n'avais finalement que de la couture à faire faire. Restait alors à contacter le couseur de voile local, celui-là même qui deux ans auparavant s'était occupé de ma Grand-Voile. Il m'a fallu une semaine pour le rencontrer ! Et je vous assure que ce ne fut pas à cause d'une quelconque procrastination de ma part ; mais tout simplement parce que le monsieur ne semblait pas désireux de bosser. Ou avait trop de travail, j'en sais rien.

Bref, en milieu de semaine dernière j'ai enfin pu soumettre mon foc à son diagnostic, et nous sommes tombés d'accord pour qu'il remplace les parties endommagées par ce que l'on appelle une bande anti-UV. C'est à dire une bande de tissus du même genre que la capote ou le lazybag de La Boiteuse, censé protéger la voile des agressions des vilains rayons UV lorsqu'elle est enroulée autour de son étai. C'est à dire 90% du temps. Ça tombe bien, depuis le temps que j'en voulais une...

Restait à choisir la couleur... Et le type n'avait que du bleu ou du vert à me proposer. Là j'ai opposé un veto véhément et définitif ; il est hors de question que ces couleurs s'affichent sur ma Boiteuse ! A la rigueur j'accepterais un blanc sale, mais surtout pas du bleu comme le péquin moyen et encore moins du vert !

Alors je sais, vous allez me dire que je suis obsédé par le rouge, que je fais le difficile alors que j'ai peut-être d'autres priorités... Certes. Mais tant qu'à se lancer dans des dépenses, parce que ce n'est pas donné ce truc, autant que les choses soient bien faites. Na !

14 juillet !
Le devis m'est parvenu hier après-midi : 1100 $R, soit 367,866 Euros (environ !). Je devrais avoir ma voile au mieux vendredi, au pire lundi matin... N'oublions pas que nous sommes au Brésil donc il me semble raisonnable de tabler pour le milieu de la semaine prochaine.

Qu'est-ce que je voulais vous dire d'autre ? D'un point de vue social, j'ai fait quelques rencontres intéressantes. Notamment celle de Danilo, un solitaire italien très sympa. Et hier un voilier argentin est arrivé avec à son bord un couple de retraités super sympatoches eux aussi. Pourquoi n'y a t-il pas de brésiliens dans le lot ? Parce que c'est comme ça. Les brésiliens qui font de la voile et qui sont sympas, ça se compte sur les doigts d'une main (Allez, une main et demi on va dire).

Voilà, j'ai fini pour aujourd'hui ! Lorsque je vous disais que j'étais un fumiste et un brodeur patenté, vous venez d'en avoir la preuve puisque je viens d'écrire 1090 mots pour des infos qui auraient pris trois lignes sur ma page Facebook !

J'suis trop fort...

PS : Ah oui, j'oubliais de mettre une photo de Touline. Ca fait partie de son contrat !

Kung-fu !

lundi 14 juillet 2014

De Búzios à Vitória

20°18.042S 40°17.316W
Vitória

Le mercredi 09 juillet 2014 -Un départ tranquille

On est parti !
10H20 : Et voilà. Nous avons quitté Búzios il y a vingt minutes sous un soleil radieux, alors que trois heures auparavant il pleuvait comme vache qui pisse. Direction Salvador de Bahia à 650 milles au nord. Cap au 60°.
Pour l'instant c'est la pétole molle... Mais d'après les prévisions cela devrait se lever. Du moins il y a intérêt ! Parce que bon, hein, cette fenêtre miraculeuse est sensée me faire arriver relativement rapidement et je compte bien rallier Salvador en six jours.

10H50 : Je m'aperçois que l'aiguille de l'ampèremètre ne bouge pas, ce qui veut dire que l'alternateur ne charge pas les batteries. Pas grave, je repère assez vite le fil qui s'est débranché et j'arrête le moteur afin de refaire le contact sans y laisser un doigt.
Il y a un petit vent du sud, léger tout doux, qui nous pousse à un peu plus de deux nœuds dans une mer seulement soulevée par une vieille houle du sud-est. C'est parfait pour s'amariner me dis-je en moi-même. Alors on va rester comme ça.

13H00 : J'ai dormi un peu, doucement bercé par la mer. A mon réveil je me fais un petit déjeuner : Café au lait et tartines de pain beurrées. Pendant que je roupillais, le vent a adonné un peu, et forcit, très peu. J'abats de 20° et je choque le foc. Pas trop ! Vas-y reborde un peu pour voir... Voilà, comme ça c'est parfait.

13H55 : Puisque les conditions le permettent, je décide de sortir le spi. La grosse bulle verte (beurk !) monte dans le ciel et aussitôt le sillage de La Boiteuse se fait plus turbulent. On frôle les cinq nœuds, avec une légère brise par le travers. C'est vraiment cool le spi asymétrique.

14H30 : Le vent adonne toujours et j'abats pour le suivre tout en gardant mon cap idéal, 60°. Pour l'instant c'est hyper-cool, mais je garde un œil sur l'arrière à l’affût des moutons annonciateurs d'un renforcement du vent. Si ils venaient à se multiplier, il le faudrait affaler le spi rapidos...
C'est pour ça que naviguer de nuit sous spi est dangereux. Vous ne pouvez pas anticiper la montée du vent avec vos yeux.

14H50 : Et une thonine pour Touline ! La bête fait un bon kilo et c'est la plus grosse qu'il m'est été donné de prendre. Du coup, comme la chatte du bord en a pour au moins pour deux jours, je ne remets pas la ligne à l'eau.

15H20 : Je ne vous cache pas qu'appréhender cette navigation de plus ou moins une semaine ne s'est pas fait sans mal. Car si mes souvenirs sont exacts, et ils le sont, ma dernière nave de plus de cinq jours remonte à plus d'un an et demi... C'était l'étape Pinheira-Rio Grande do Sul. Et après la branlée que je me suis pris, je m'étais promis que, dans le sud tout du moins, je ne ferais jamais plus de naves de plus de trois jours. Donc, renouer avec les « longues » navigations ne me tentait pas vraiment. J'ai dû me persuader qu'une occasion pareille ne devait pas se rater et j'ai fait valoir l'argument du temps qui me manque. C'est que j'ai encore du chemin à faire avant de sortir de ce pays !

15H40 : On fait des pointes à sept nœuds... Il va peut-être falloir penser à remballer...

16H00 : Ça y est, j'ai remis le spi dans sa chaussette et j'ai déroulé le foc en grand. On a perdu presque deux nœuds de vitesse, mais c'est pas grave ; l'essentiel est d'être en sécurité.

A table !
16H50 : Zut, il pleut ! Jusqu'à présent j'étais seul sur l'eau, mais voilà qu'une flottille de pêche se présente pile devant moi. Sans radars évidemment...Vivement que j'atteigne la zone des 1000 mètres de fond pour être débarrassé de ces em-pêcheurs de naviguer en rond !

18H00 : Le soleil s'est couché et une lune gibbeuse le remplace. Nous sommes parti depuis huit heures et nous avons parcouru 29 milles. Ce n'est pas fameux... Surtout qu'en on pense qu'il en reste un paquet à faire !

18H20 : Bon, c'est pas tout ça, mais j'ai la dalle. Je vais me faire un bol de nouille.

18H50 : J'ai disposé les matelas dans le fond du cockpit et j'ai sorti duvet et coussins. Mon petit nid douillet est prêt. Il n'y a plus qu'à enfermer Touline et au lit !

Le jeudi 10 juillet 2014 - Au moteur

06H10 : Bonjour ! Vous avez bien dormi ? Parce que moi, oui. Enfin, du sommeil qui est le mien lorsque je suis en mer, c'est à dire par tranches variables, entre quarante minutes et une heure.
Bon ok, j'avoue que la dernière tranche a peut-être durée 90 minutes... Je sais, c'est pas bien. (Cpasbien.pe le site de torrent qu'il vous faut !)
Ceci dit, même si nous n'avons pas beaucoup avancé cette nuit, nous ne nous sommes pas non-plus trop écarté de la route que j'ai tracé. Ce qui fait que l'un dans l'autre, on ne va pas se plaindre. Pour l'instant nous sommes toujours au moteur, cap au 50° et nous devrions passer au large du Cabo São Tomé dans la matinée. Ensuite, en théorie du moins, les vents devraient arriver du sud-sud-ouest à 10-15 nœuds. En fait, ils devraient déjà être là... Mais il n'y sont pas les bougres !
A vue de nez je dirais qu'on a un petit F1 (de 1 à 5 nœuds) en provenance de l'ouest... Pas de quoi faire avancer La Boiteuse, même avec le spi.

08H30 : Toujours au moteur... Pas un pet de vent. Rien, nib, quedalle. De temps en temps j'aperçois un hélico qui passe en rase motte au-dessus de ma tête. Ils font la noria pour approvisionner un énorme champ pétrolifère à vingt milles au large. Je ne vois pas les plates-formes, mais je sais qu'elles sont là. Cette nuit, je pouvais voir leurs halos illuminer l'horizon.

09H10 : Je ne le jurerais pas, mais il me semble bien avoir vu une baleine en surface à quelques cinquante mètre sur tribord...

12H00 : Le cap São Tomé est désormais derrière nous et la pétole est hélas toujours autour de nous. Devant nous, il y a 270 milles de route avant l'archipel des Abrolhos que je me propose de contourner au plus près. Rien à signaler pour cette matinée. Enfin si, des pétroliers, des remorqueurs, des tankers, des pêcheurs... Bref, la routine lorsqu'on navigue le long des côtes brésiliennes.
Je regarde les petits dessins en forme de flèches qui parsèment la carte. Ces flèches qui me disent que je devrais avoir en ce lieu et à cette heure 15 nœuds de vent dans le cul. Foutaises !

15H50 : J’émerge brusquement d'un rêve particulièrement tarabiscoté. Je fais chauffé l'eau pour me préparer un café avec beaucoup de lait concentré (pour l'énergie). Mon œil embrumé se fixe un instant sur l'horizon, droit devant sur tribord... Oh putain ! Des baleines !
Aussitôt je baisse le régime du moteur et c'est à trois nœuds que La Boiteuse se dirige droit sur ce qui semble être un couple de cétacés en train de faire mumuse. Je me brûle en avalant mon café beaucoup trop vite, je grille une cigarette en trois bouffées, puis je fonce me positionner à l'avant du bateau, appareil photo au poing.
La mer est d'huile et ces deux paresseuses apparaissent régulièrement à la surface pour lancer de grands jets. De temps en temps, elles semblent rouler sur elles-mêmes, battant l'eau de leur nageoires ventrale. C'est magnifique. Puis soudain, elles disparaissent. Je suis là, sur le pont, fouillant l'océan du regard pendant de longues minutes... Puis je comprends et je regarde derrière. Elles sont là à une cinquantaine de mètres ! J'en prends plein la vue. Je me régale.
Couple de baleines

Plus tard, alors que je suis en train de griffonner sur mon carnet à spirale, je lève les yeux vers l'arrière et je les vois encore. Elles sont trois maintenant. Non, quatre ! On dirait qu'elles s'ingénient à souffler en même temps !

16H30 : Réveil sirénien donc, et toujours pas de vent. On va bientôt être à seize heures de moteurs non-stop. Tout le précieux carburant que j'ai patiemment accumulé à coup de va et vient en annexe, est en train de partir en fumée... La bonne nouvelle c'est que ce soir je vais dormir un poil plus serein puisque nous venons d'atteindre des fonds de plus de 1000 mètres. Donc, plus de pêcheurs ! Juste les cargos, tankers et compagnie, mais cela je les entends venir de loin grâce au mer-veille.

Coucher ou lever ?
17H10 : Et c'est encore un fa-bu-leux coucher de soleil Mesdames et Messieurs ! Bon, moi je préfère les levers, mais c'est affaire de goût n'est pas ?
Tout à l'heure je me disais qu'une journée de moteur c'était quand même pour Touline que c'est le plus dur. En effet, lorsque celui-ci tourne, la chatte reste prostrée sous la capote sans boire ni manger. Je lui ai découpé une jolie darne de thonine, mais elle l'a dédaigné. Peuchère...

18H00 : Point du soir, bonsoir.
Ben, y'a rien à dire. On avance toujours au moteur sur une mer d'huile. C'est chiant et frustrant. Je commence à me dire que je ne suis pas aussi bon analyste météo que je le crois... Ou alors c'est que je n'ai vraiment pas de bol.
J'ai rajouté 20 litres de gas-oil dans le réservoir principal. Avec ça je suis tranquille au moins jusqu'à 08H00 demain matin... J'espère seulement ne pas en arriver là.

Le fait d'avoir dormi tard cet après-midi m'a coupé l’appétit et le sommeil. Tant mieux, parce que devant moi il y a un véritable mur de plate-formes pétrolières. J'en compte une dizaine ! Je modifie mon cap afin de les contourner.

20H00 : J'ai réfléchis. Demain je vais avoir une décision à prendre. Parce que si je regarde les choses en face, cela ne se passe pas vraiment comme je l'avais prévu. J'ai déjà cramé la moitié de mes réserves en carburant et comme les prévisions météo sont totalement fausses je peux légitimement supposer que je ne sais absolument pas ce qui m'attend. Il va donc falloir, peut-être, envisager de faire étape à Vitória. Ce n'est pas que ça m'enchante, loin de là, mais ce serait sans doute raisonnable. M'enfin, on verra demain.

22H30 : J'arrête le moteur. Une petite brise d'est fait frisotter la surface de l'eau, et bien sûr elle ne souffle absolument pas dans la bonne direction... Cap au 350° au près serré avec des pointes à trois nœuds ! Mais bon, on ne va pas se plaindre car le silence règne enfin. D'entendre le clapotis de l'eau sur la coque est un vrai bonheur !
La Touline sort de sa torpeur et réclame à boire et à manger. Vas-y ma chérie, profite ! Pendant ce temps, Papa va tirer des bords pour éviter de s’emplafonner la plate-forme qu'il y a juste devant, ok ?

Le vendredi 11 juillet 2014 - Gueule de bois

07H00 : Je sais, je suis en retard. C'est que, voyez-vous, la nuit a été comment dire... Agitée. On va dire ça comme ça. Voilà ce qui s'est passé.
Nous étions donc toutes voiles dehors à tirer des bords de près serré pour passer au travers de ce champ de plate-formes pétrolières. Le régulateur avait beau être réglé au plus près, ça n'avançait guère. Un coup au 330°, un coup au 120° à deux nœuds et des brindilles... Bref, je n'étais pas loin de faire des bords carrés comme on dit dans le milieu. Pour compliquer les choses, depuis l'après-midi nous avions à subir un putain de courant contraire pile dans le pif.
Vers minuit le ciel a commencé à s'obscurcir vers le sud et des éclairs n'ont pas tardé à zébrer les nuages. Un orage m'arrivait dessus, dans le sens contraire du vent. Tout en sommeillant, je gardais quand même un œil dessus, histoire de ne pas me faire surprendre le pantalon sur les chevilles...

Je dormais comme un loir dans le fond du cockpit lorsque le grain a déboulé, il devait être 02H30... Bien sûr, lorsque le bateau s'est couché une première fois, j'ai bondis sur mes pieds pour essayer de faire quelque chose... Mais je n'ai pas pu. En fait tout cela reste encore assez flou dans mon esprit. J'essaye de me repasser le film dans ma tête, mais j'ai du mal à combler quelques manques. Je crois que dans un premier temps j'ai tenté de redresser La Boiteuse en essayant de choquer le foc. Malheureusement l'écoute de foc s'est dans un premier temps bloquée, et le bateau s'est retrouvé une nouvelle fois avec la barre de flèche au ras de l'eau... Quand j'ai enfin pu la débloquer, celle-ci a glissé du winch et la voile s'est mise en drapeau. J'ai passé énormément de temps à essayer d'enrouler le foc, tout en attrapant la barre de temps en temps pour diriger le bateau vers... Vers où ? Vers quoi ? Je n'en savais trop rien. Il s'était mis à pleuvoir des seaux d'eau, le vent redoublait de violence et je ne voyais plus d'où il venait ni où étaient ces putains de plates-formes. J'avais l'impression qu'une main gigantesque s'était emparé de mon bateau et le faisait valdinguer dans tous les sens.

Même lorsque j’eus enfin pu enrouler le foc, la Grand-voile était toujours haute et extrêmement portante, et quelque chose sur le pont bloquait l'écoute, m'empêchant de la choquer... Bref, les merdes s’enchaînaient. C'est alors qu'un heureux hasard m'a sauvé la mise. Sans vraiment le vouloir j'ai empanné, et la bôme est passée violemment d'un bord sur l'autre dans un fracas monstrueux. J'ai bien cru qu'elle avait cédé, mais lorsque j'ai voulu la ramener au centre du bateau, l'écoute était toute molle ! En fait, c'était la surliure qui venait de lâcher ainsi que la drosse du chariot d'écoute. Bref, la bôme se trouvait sur tribord et plongeait dans l'eau régulièrement, mais ma voile n'était plus portante et je me retrouvais plus ou moins à la cape. Le bateau c'est arrêté et s'est mis à dériver (où sont ces plate-formes?). Certes, La Boiteuse roulait comme une barrique, mais au moins je ne risquais plus de me retourner.

Je suis alors monté sur le pont pour affaler ma GV. Le roulis manquait une fois sur deux de me balancer à la baille. Ma polaire gorgée d'eau se faisait lourde sur mes épaules et mon short lui aussi gorgé d'eau avait tendance à me tomber sur les genoux... Lorsque j'ai enfin pu affaler ma voile, j'ai eu la joie de constater que celle-ci ne semblait pas avoir trop souffert de ces longues minutes de fasseyement (combien ?). Puis je me suis attelé à refaire le nœud d'écoute avec un bon vieux nœud de chaise et j'ai ramené ma bôme au centre de mon bateau. Enfin, trempé et exténué j'ai réintégré le cockpit et j'ai démarré le moteur. Il était 04H10 exactement. Le combat avait duré plus d'une heure trente !

L'intérieur de La Boiteuse était dans un état indescriptible. La porte du placard à ciré s'était ouverte et tout ce qu'il contenait avait gerbé sur le sol ; bidons de gas-oil, croquette et litière de Touline, palmes, masque et tubas, nécessaire à matelotage... Les tiroirs à outils avaient sauté de leurs glissières et tout leur contenu avait volé au travers du carré. Tout cela gisait sur le sol au milieu des casseroles qui avait sautées de la gazinière et des matelas. Bref, c'était le chaos.
Je me suis attelé à la tâche, et c'est seulement après avoir plus ou moins tout rangé que j'ai enfin pu me changer et mettre des vêtements secs.
Pendant la baston, la pauvre Touline avait réussi à sauter par dessus la portière en plexi et s'était réfugiée... au cœur de l'action : Sous la capote comme d'habitude. De temps en temps elle laissait échapper un miaulement plaintif genre « qu'est-ce qu'il se passe ?», mais l'un dans l'autre elle s'est débrouillée pour ne pas se mettre dans mes pattes. J'adore cette chatte qui ne panique pas quand ça va mal.

A 04H30, j'étais vêtu de sec, et La Boiteuse avançait péniblement au moteur dans une mer déchaînée où les vagues déferlaient. Je me suis couché dans le fond du cockpit, et j'ai rabattu mon duvet trempé sur ma tête, et j'ai essayé de dormir. Je me disais qu'il allait bientôt faire jour et qu'alors j'allais avoir un meilleur aperçu des dégâts... J'ai attendu que le jour se lève tout en ruminant de noires pensées.

A 06H00, je me suis préparé un café et j'ai fait le point. Pendant la nuit j'avais parcouru 40 milles au loch, mais sur la carte je n'avais avancé que de 20 milles dans la bonne direction... J'ai bu mon café bien à l'abri à l'intérieur, retardant le plus possible le moment où il allait falloir que je sorte sous la pluie évaluer plus sérieusement les dégâts. 
 
Sacrée nuit...

Mon foc était en lambeau, tout entortillé autour de son étaie. Je voyais des pans de tissu qui virevoltaient, on aurait dit un mât de cocagne un jour de fête de village. Le temps étant somme toute beaucoup plus maniable et le bateau roulant toujours terriblement, j'ai décidé de hisser la GV avec deux ris histoire de le stabiliser un peu. Malheureusement, la manille de la drisse avait lâché à son tour... et la drisse se baladait dans les haubans. J'ai mis trois quart d'heure pour enfin la récupérer, juché sur la bôme, une jambe passée autour du mât et la gaffe à la main ! Je ne vous dis pas le numéro d'équilibriste que c'était et le nombre de fois où j'ai dégringolé au pied du mât !
Bref, au final j'ai quand même pu changer la manille hisser ma GV avec deux ris.

Voilà où nous en sommes. Actuellement (il est 07H45) nous faisons route vers Vitória qui se trouve à 50 milles, et à 3 nœuds nous devrions y être dans... Faites le calcul vous-même, moi je suis trop déprimé pour ça.

08H30 : Il ne pleut plus et le vent s'est bien calmé. J'ai relâché un ris pour appuyer un peu plus le moteur qui peine à remonter un courant particulièrement fort. Ça aide, mais pas beaucoup en fait. J'en ai profité pour faire une inspection plus attentive sur le pont. A part le foc qui est doit être mort de chez mort, tout à l'air d'aller. La Grand-voile est intacte (merci Monsieur Hood !) et le vit de mulet ainsi que le gréement n'ont pas l'air d'avoir trop souffert. Il faudra que je monte dans la mature une fois arrivé, afin de faire une inspection complète.

08H50 : C'est bizarre les coïncidences... Cela fait deux fois que je suis obligé de m'arrêter à Vitória alors que je n'en n'avais absolument pas l'intention au départ. Et deux fois parce que j'ai cassé quelque chose... Tiens, un rayon de soleil ! Je vais manger une banane pour fêter ça !

Trombes d'eau
09H15 : Alors que je suis en train de réparer la pompe de cale (oui, elle aussi a foiré), je lève les yeux un instant et que vois-je ? Une gigantesque masse nuageuse qui arrive sur moi, et surtout deux trombes d'eau ! Pendant un moment j'observe le phénomène, à la fois fasciné et inquiet... Heu.... Je fais quoi si ça m'arrive dessus un truc pareil ?

09H30 : Je n'arrive pas à voir si le nuage se rapproche ou pas, mais par précaution je décide d'affaler complètement ma GV. Deux fois dans la même journée, non merci !

09H50 : J'ai les yeux rivés sur ce monstre qui nous arrive par le travers tribord. Il semble qu'il va nous éviter... Ou pas. De toute façon, je suis prêt. Tout est rangé, attaché, le linge sèche à l'intérieur et la portière est fermée. Il peut venir le gros pépère on l'attend !
La Boiteuse pourrait elle résister à ça ?

10H25 : L'orage c'est éloigné finalement... Par contre, pendant que je le surveillais, un autre est arrivé par l'avant (ils travaillent en équipe ou quoi ?) et nous voilà sous une pluie diluvienne.

11H00 : YES ! La pompe est réparée ! C'était des morceaux de stylo à bille qui empêchaient une des valves de fonctionner. Pendant que je bossais, le vent et la mer se sont levés. Un franc et bon F5 du sud-ouest. C'est maintenant que je n'ai plus de voile d'avant que tu arrives toi ??? Enfoiré !

11H20 : J'ai re-hissé la GV avec deux ris. Putain, ça fout vraiment les boules d'être obligé d'être au moteur avec un vent pareil ! Quand je pense que je pourrais filer six nœuds au grand largue droit sur les Abrolhos, quelle ironie !

12H00 : Ok, il reste 32 milles à faire. On devrait y être vers vingt heures avec à la clef un mouillage de nuit dans un endroit que je connais déjà, ce qui ne devrait pas poser de problèmes (dit-il pour s'en convaincre). En attendant, il faut que je fasse le plein de gazoualle.

J'éprouve une certaine lassitude tu sais ?
12H30 : Voilà, j'ai rajouté 30 litres, ce qui devrait largement suffire. Bon, maintenant il faudrait que je mange et que je dorme... Car je n'ai finalement qu'une banane dans le ventre depuis hier midi et je n'ai pas vraiment dormi depuis... Je ne sais plus.
Sauf que je n'ai pas faim et vraiment pas envie de faire la cuisine ! Mais je me force quand même à manger une autre banane.

14H05 : Terre en vue ! On devrait arriver plus tôt que prévu car le courant semble s'être inversé à l'approche de la côte. Je n'arrive pas à dormir tellement je gamberge. Je pense à mon arrivée, les manœuvres que je vais devoir faire. Où je vais pouvoir planter ma pioche (non, ce n'est pas une allusion sexuelle !). Faudra t-il réparer le foc ou bien carrément en acheter un autre ? Si oui, où et combien ? Et comme je ne vais pas aller à la marina, comment je vais faire pour contacter le voilier ?
Bref, je me prends la tête alors qu'il serait bien mieux que je prenne du repos. Il faudrait que j'arrive à me concentrer sur le moment présent et ne pas penser à demain... Mais je n'y arrive pas. D'ailleurs je crois bien que je n'y suis jamais arrivé réellement... Ou alors je ne m'en souviens plus. A vrai dire, je crois que j'ai le moral un peu dans les chaussettes.

14H20 : Tiens, il y a une baleine qui fait le gros dos derrière La Boiteuse. Je souri. Allez Gwen, profite ! Regarde comme elle saute !
(Désolé, ça bougeait un peu trop, alors il n'y a pas de photos)

15H15 : Ça y est, j'ai avalé quelque chose. Un grand mug de café avec des tartines. Pendant que je me rempli l'estomac, je me rempli aussi les yeux en regardant les baleines. Il y en a partout on dirait ! Ou alors c'est la même qui me tourne autour pour me faire une blague ?

16H30 : Ça se présente plutôt bien. J'aperçois les collines qui entourent Vitória. Plus que dix milles à faire.

17H00 : Le soleil disparaît derrière les nuages accrochés aux montagnes, alors qu'à l'opposé la pleine lune apparaît... Timing parfait.

17H20 : Bon allez, c'est là que ça se corse ! Ouvre bien les yeux mon Gwen ! Il est où ce foutu chenal ?

17H30 : Vu ! Allez ma Boiteuse, on y est presque ! Touline est à son poste et regarde le rivage et les lumières de la ville qui approchent. Oui ma belle, on arrive. Mais ce n'est pas encore cette fois que tu pourras aller gambader sur les quai, hélas ! Tu ne te rappelles pas comment ils t'ont traité la dernière fois ? Tu avais dû rester deux semaines attachée au bout d'une corde ! Crois-moi, on sera mieux au mouillage.

18H25 : Avant dernier changement de cap dans ce dédale de lumières où tout se confond. Le jaune, le vert, le rouge... Je suis hyper concentré ! Respire mon Gwen, respire...

Sain et sauf
19H10 : Me voilà à l'entrée de la marina après avoir longé au plus près l'espèce de quai qui ne sert à rien. Il y a deux ans je m'étais échoué à cet endroit, alors je fais gaffe. Sur le quai près de la vigie des types me fonds des signes et m'indiquent de me mettre à couple d'un des bateaux amarré. Par réflexe sans doute, je m'approche et je leur dis que je vais refaire un tour histoire de préparer mes amarres.
Seulement, alors que je m'engueulais moi-même pour ne pas avoir suffisamment préparé mon atterrissage, je réalise soudain qu'il n'était pas question que je me mette à quai ! D'une part à cause de mon visa un petit peu hors délais, et d'autre part à cause de la chatte qui est persona non grata en ces lieux !
Je lâche alors les amarres que j'avais commencé à préparer et je retourne à la barre. Je repasse alors devant eux et leur crie que je vais me mettre au mouillage. Ils insistent, me désignent une autre place plus vers l'intérieur du port... Mais je fais la sourde oreille et je contourne la jetée.
L'endroit est un peu encombré. Cinq voiliers sont déjà mouillé exactement là où j'avais l'intention de me mettre... J'arrive quand même à trouver une place et je balance enfin mon ancre et vingt mètres de chaîne. Un coup de marche arrière pour vérifier que l'ancre a bien croché... Et hop, nous voilà arrivé.

Épilogue :

Vitoria
Le lendemain je me réveillais avec en fond sonore cette rumeur citadine que je n'avais pas entendu depuis longtemps. Les lumières de la ville sont omniprésentes, agressives. Le vent est toujours au sud-ouest, et pendant un moment j'ai l'envie d'enfiler mon génois et de reprendre le large. Mais non... Ce ne serait pas raisonnable. Je ne vais pas prendre le risque de détruire ma dernière voile d'avant restante, ce serait stupide. De plus j'ai besoin de refaire le plein de carburant.
Plus tard le ciel c'est éclaircit. Je parle de celui à l'intérieur de ma tête. Alors que je me renseignais auprès du secrétariat pour avoir les coordonnées du voilier, la femme derrière le comptoir a lourdement insisté pour que je m'inscrive à la marina. Je lui ai dit que je ne pouvais pas, que pour être honnête je n'étais pas vraiment dans les clous en ce qui concerne mon visa... Elle m'a répondu que ce n'était pas grave. Puis je lui ai parlé de Touline, et a semblé très étonnée. Bref, je suis maintenant inscrit ce qui me permet d'utiliser les douches et les autres services (dont internet) offerts pour seulement 22,40 $R par jour. La semaine prochaine une place au quai devrait se libérer, et on verra à ce moment-la si je m'y amarre, ou pas. J'ai rendez-vous lundi avec le voilier, on va voir comment ça se goupille...

Sinon, j'ai repensé à ce grain que je n'ai pas pu/su négocier et qui me vaut d'être là. J'ai merdé en ne prenant pas les précautions qui s'imposaient, j'en ai conscience. Mais je crois que la leçon portera ses fruits. Une de plus.
Bleu pétole

mardi 8 juillet 2014

Contraste

22°44.868S 41°53.083W
Armação de Búzios

Praia dos Ossos
Brésil, terre de contraste. C'est l'expression, un peu bateau j'en conviens, qui viendrait sans doute à l'esprit du poète qui serait, comme moi, assis dans son cockpit à regarder le rivage de Búzios... Que de changements par rapport à l'île de Paquetá !!!
Pour ma part je ne souscris pas à cette expression... Elle est bien trop naïve, trop réductrice. Le contraste c'est pour les peintres et les photographes et comme je l'ai dit, les poètes. Le contraste, c'est un élément de langage pour désigner les inégalités sociales et s'en battre les couille tout en trouvant ça joli.

Magnifiques statues de bronze
Aussi, après l'île de Paquetá, au tourisme sans prétention ni ostentation, où les couples de la classe moyenne venaient s’imprégner de l'atmosphère romantique du lieu, et où les filles ont tendance à devenir obèse passées quinze ans, nous voici dans ce qu'il est convenu d'appeler le Saint-Tropez Brésilien : Búzios.
Ici, on est dans le haut de gamme. Partout des bars et des restaurants chics, de somptueuses villas, des boutiques de luxe où le prix du bikini est inversement proportionnel à la surface qu'il couvre, et où on compte un canon de chez canon au mètre carré. Car la beauté au Brésil n'a rien à voir avec la génétique, c'est une question de classe sociale (je parle en général bien sûr. Il y a toujours des exceptions, mais elles sont rares).

Brigitte Bardot
Je vous avouerais sans honte que de me retrouver dans une telle atmosphère n'est pas sans me déplaire... Et oui, car mine de rien Búzios n'est pas sans me rappeler certaines stations balnéaires du sud de la France, et c'est un peu comme si je me retrouvais... Non pas à la maison, mais en terrain connu. Et ça fait du bien quelque part. Vivre dans la simplicité que génère la pauvreté n'exclue pas de temps en temps d'apprécier la modernité qu'offre la richesse. Surtout quand on a été élevé dedans. Bref, tout ça pour dire que même si je passe mon temps à dénoncer les inégalités et à fustiger les nantis, j'apprécie également, pour un temps, de me retrouver parmi eux. Je sais, c'est paradoxal par rapport à ce que j'ai écrit plus haut. Mais je suis un être paradoxal.

Pousada l'Escale
Cela dit, au milieu de toute cette superficialité il existe un lieu de simplicité fort agréable, c'est la pousada de mes copains Sylvia et Francis, l'Escale. Et je ne dis pas ça parce que je sais qu'ils me lisent ! Sérieusement, c'est mignon comme tout, et l'ambiance (à la française ?) tranche avec le ton général qui est beaucoup plus, comment dire, tape à l’œil. Bref, ça m'a fait plaisir de les revoir après deux ans (déjà ???), et je les remercie beaucoup pour leur accueil. (voilà, ça c'est fait.)

Mais bon, il me faut tout de même relativiser l'impression que m'a laissé mon séjour à Búzios... Car il a été court. Une semaine, pour moi en tous cas, ce n'est pas assez pour réellement prendre le pouls d'un lieu. Pour prendre mes marques. Je suis toujours dans le mouvement de la route, l'esprit à peine délesté du stress de la nave précédente, que me voilà déjà dans celui de la prochaine. Pour le coup, j'ai vraiment l'impression d'avoir été un touriste pendant mon séjour ici.
Car oui chers lecteurs, demain je reprends la mer pour un raid de 650 milles (mas o menos). Je vais tenter de profiter d'une fenêtre météo exceptionnelle qui devrait me permettre de rallier Salvador de Bahia en une seule nave.
La Boiteuse sur sa bouée

La Boiteuse est opérationnelle, les pleins d'eau et de gas-oil sont fait, l'avitaillement également. J'ai troqué le Génois léger contre le foc de façon à être prêt à encaisser le gros temps... Bref, y'a plus qu'à.

On se retrouve dans une semaine ! Até logo !

jeudi 3 juillet 2014

De Paquetá à Búzios

22°44.868S 41°53.083W 
Armação de Búzios 

 Le lundi 30 juin 2014


04H05 : J’émerge. Dans un demi-sommeil je regarde ma montre et je me dis qu'il est bien tôt et que je pourrais gratter une heure de plus... Et puis soudain ça me revient, j'ai prévu de partir ce matin aux aurores. Pfff... Pas motivé le Gwen. Un coup d’œil par le hublot m'informe que la brume qui risquait de retarder mon départ n'est pas au rendez-vous. Donc il n'y a pas à tortiller, il faut que je me lève. Touline est de cet avis elle aussi. Elle est déjà devant sa gamelle. Elle la vide sur le sol, systématiquement, à petit coups de patte précis. Une manière de dire sans doute : T'as vu, y'a plus rien, faut que t'en remette ! Sauf que tout est par terre et que je marche dessus, conne ! (Sérieux, faudra qu'on m'explique un jour pourquoi les chats font ça).



05H20 : Je traîne un peu dans mes préparatifs, et pour cause. Il fait encore nuit et j'ai déjà pas mal avancé le boulot hier après-midi.

Cette nave est courte mais son timing est un peu compliqué. Je dois tout d'abord sortir de la baie de Guanabara en tenant compte de la marée (12 milles), puis j'ai 60 milles à faire jusqu'au Cabo Frio que j'apprécierais de pouvoir doubler de jour. Puis enfin, une vingtaine de milles pour rallier Búzios. Cela signifie qu'il ne faut pas que j'aille trop vite ! D'après la météo, je devrais avoir du sud-ouest qui virera ensuite sud-est, ne dépassant pas les dix nœuds... Tranquille. Pour l'heure, pas une ride ne trouble la surface de l'eau.



06H05 : Le ciel rougit à l'est, salué par le chant d'un coq quelque part dans le village. Les hérons Bihoreau saluent aux aussi l'aube naissante avec des croassements rauques. Touline qui a bien vu que le départ était proche, reste scotchée entre l'étaie et le guindeau. Et oui ma fille, t'as tout compris ! On s'en va !


L'Itaipu arrive
06H50 : Nous sommes près. Enfin presque... Il n'y a plus qu'à attraper Touline et à la fourrer dans la « salle de bain », avant que de démarrer le moteur. Et oui, il y a un certain protocole à respecter dans les départs, sinon Madame panique ! Allez, on va attendre que l'Itaipu dégage et on y va.


07H20 : Et voilà ! Je regarde l'île de Paquetá s'éloigner et disparaître dans la brume (finalement elle est là !), à la fois content et triste de quitter cet endroit après cinq semaines d'escale.

Triste parce que ce fut un agréable mouillage, le plus pratique et le plus secure de tous à mes yeux. Et content parce que... Je reprends la mer ! Enfin, je reprends la route voulais-je dire. Vous voyez le distinguo ?



Ciao Paqueta !
07H35 : Une brise légère du nord-ouest nous accompagne et gonfle la GV en appuie sur le moteur. C'est cool, on avance à cinq nœuds sur un miroir.

Touline (Doux Jésus qu'elle a grossi !) a rejoint son poste à tribord sous la capote. Elle somnole, bercée par le tangage et le ronron du moteur. Moi, j'ai les yeux qui se ferment un peu. Contrecoup du stress et de la suractivité du départ. Pourtant il me faut garder l’œil ouvert et le bon car j'aborde la zone de mouillage des pétroliers et des remorqueurs de haute mer. Il y a aussi pas mal de pécheurs et plein de trucs qui flottent sur l'eau dont je ne sais s'il s'agit de flotteurs pour les filets ou de simples ordures. Car la baie de Guanabara est bien pourrie de ce côté-là... C'est un véritable égout à ciel ouvert.

Je vais me préparer un maté, ça va me réveiller.



08H45 : Après avoir évité un navire de guerre tracté par deux remorqueurs je passe sous le pont. Je distingue à peine Rio de Janeiro sur tribord à cause de la brume. Cap plein sud, la sortie c'est par là !


Chaud devant !


09H00 : Attention de ne pas se faire couper en deux par les ferrys qui relient Niteroi à Rio ! J'en ai un qui me passe en trombe juste devant, et un autre derrière ! J'ai l'impression d'être un lapin sur le terre-plein central d'une autoroute !



09H20 : La sortie est proche. Le Pain de Sucre à droite et la forteresse à gauche. Sauf qu'il y a un pétrolier qui rentre en même temps dans la baie toute sirène hurlante. Qu'est-ce qu'il veut lui ?

Un bateau pilote s'approche de moi et me signale le danger. Je le rassure le pouce levé : Oui mon con, j'ai vu, t'en fais pas ! Il faudrait être miro pour ne pas voir ce gros machin qui se dirige droit sur moi !


Bateau Pilote
Tiens au fait, est-ce que vous saviez que le métier de pilote est probablement un des métiers les mieux payés au Brésil ? Certains peuvent gagner jusqu’à 400 000 R$ par mois ! Dans un pays où le salaire moyen est de 1345 R$ (442 Euros), ça vous donne une idée des inégalités sociales qui caractérisent le Brésil. On est dans un rapport de 1 à 300 !!!



09H30 : Ça y est, on est dehors. On est accueilli par une petite houle et un ventounet de secteur sud. Je garde un peu de moteur pour parer l'Ilha do Paï.



10H35 : Arrêt moteur. Génois et Grand-voile en grand, nous filons presque trois nœuds au bon plein.



 11H00 : Le vent vire progressivement au sud et monte un peu. Il fait gris maintenant. Les nuages qui précèdent la perturbation sont là ; pile à l'heure par rapport aux prévisions d'hier au soir. Il ne devrait pas pleuvoir... Du moins j'espère.



11H30 : Je vais trop vite ! A ce rythme-là je vais arriver de nuit... Hop, je réduis le génois de moitié.



12H00 : Je fais le point. Tout roule : Bon cap, bonne vitesse. On devrait double le Cabo Frio dans vingt heures. C'est à dire vers six ou huit heures du mat, demain. C'est parfait.



14H00 : Heu... En fait je me suis planté dans mes calculs tout à l'heure ! C'est vers minuit qu'on devrait passer le Cabo Frio ! Comment j'ai pu faire une erreur pareille ??? Sans doute parce que le résultat me convenait... En tous cas, je sens que la nuit va être longue !



14H10 : Ça y est, je sais d'où vient mon erreur. C'est parce que tout à l'heure quand j'ai pointé la flèche de ma souri sur ma destination, j'ai confondu la distance avec la direction... Et dans ma tête, 90° sont devenus 90 milles. C'est tout con. Bref, en fait il me reste 45 milles jusqu'à Cabo Frio. Plus les vingt milles jusqu'à Bùzios, ça fait 65 milles.

Ça veut dire qu'on passera le cap de nuit... Et que je vais devoir planter la pioche dans un endroit inconnu à la lumière de la lampe torche ! Bravo mon Gwen, tu fais fort sur ce coup-là !



Adieu Rio !
14H45 : Cela ne sert à rien de se prendre là tête. C'est ce que je me dis en sirotant ma tasse de café. D'autant plus que le vent est en train de baisser, et s'il faut je vais devoir me traîner comme une merde... On arrivera quand on arrivera, et comme d'habitude je ferais de mon mieux. Voilà !



15H30 ! HiiiiiiHaaaaaa !!!!! BALEINE !!! Là-bas, juste dans l'axe de la Punta Negra ! Tu la vois Touline ? Mais si là bas !!! (Regarde pas mon doigt imbécile !) Elle a sauté très haut en montrant son ventre blanc, et elle est retombée sur le dos dans une gerbe d'écume ! Regarde ! Elle souffle maintenant !



16H00 : La baleine a disparue. J'ai eu beau scruter l'océan (et Touline aussi), je ne l'ai pas revu... J'ai pas rêvé tout de même ! Pendant ce temps-là, le vent est en train de tomber... On avance à 2,5 nœuds.



16H20 : Le vent vire au sud-est et me pousse vers la côte. A moins que ce ne soit le courant... N'empêche que je ne suis plus qu'à 1;5 milles de la plage et que je n'aime pas trop ça. Si ça continue, je vais devoir virer bord sur bord.



16H30 : Je vire. Cap au sud. Je vais peut-être arriver de jour finalement...



17H00 : Je continue à m'éloigner de la côte à la vitesse d'une méduse...



17H10 : Re-virement de bord. Cap au 70°. C'est pas top, mais je ne peux pas faire mieux. J'escompte un peu sur la bascule prévue vers 21H00. Le vent devrait en effet revenir au sud-ouest et devenir portant.



17H30 : La nuit est en train de tomber, et comme on remonte vers l'équateur elle tombe de plus en plus vite (Je vous ferais un dessin pour vous expliquer pourquoi quand j'aurais le temps). Pas de coucher de soleil flamboyant, mais des nuages bas et gris qui noircissent peu à peu...



18H00 : Pfff... C'est du grand n'importe quoi cette nave. Je me traîne à 2,5 nœuds et à 2,5 milles des côtes. Non seulement c'est dangereux (je pense au Kon Tiki), mais en plus je ne vais pas dans la bonne direction. Il va falloir que je tire des bords si le vent ne tourne pas. Mais il va tourner, n'est-ce pas ?

Alors-là, y'en a un qui doit se dire : Mais pourquoi n'allume t-il pas son moteur ? Ce à quoi je réponds : Et bien c'est parce qu'il ne me reste que trente ou quarante litres de gas-oil, et que je préfère le garder en cas de coup dur. Et cette pétole passagère n'est pas un coup dur, ok ? Ce sont juste les aléas qui font les joies de la navigation.

Note pour moi-même : Ne surtout pas s'endormir...



18H30 : Euh... C'est moi ou le vent est en train de virer au sud ? Le fait est que je gagne en cap et que je navigue désormais parallèlement au rivage. C'est déjà ça !



19H00 En fait, le vent n'a pas vraiment viré... Enfin si, un peu. Mais ce n'est pas ça qui m'a fait gagner quelques degrés sur la boussole. C'était parce que je me trouvais assis sur le bord situé sous le vent, et que je faisais ainsi gîter le bateau. La Boiteuse est tellement fine pour un bateau de sa taille, que si je me lève elle abat aussi sec. Faudra que je me mette au rappel si ça continue...



19H25 : Là mes enfants c'est la pétole, la vraie. Le régulateur n'assure plus un cachou et il faut que je tienne la barre pour garder un semblant de cap. Au large, le ciel s'illumine par intermittence. Un orage approche.



20H25 : Ça fait une heure que je me bats pour grappiller le moindre souffle d'air. Le vent apparaît et disparaît, tourne et vire... J'ai dû faire au moins quatre tours sur moi-même ! Le gréement souffre et les voiles aussi.



20H30 : Cet orage ne me dit vraiment rien qui vaille... Le tonnerre gronde de plus en plus fort, et je me dis que ce serait peut-être bien de prendre un ris... Voire deux. A peine ai-je pensé ça, qu'un éclair plus proche que les autres illumine la nuit. Aussitôt je bondis sur mes pieds et je me précipite au pied du mât pour réduire la voilure. Voilà, si jamais ça doit piauler, je suis prêt.



21H15 : Ça commence à me gonfler cette histoire...



21H20 : Allumage du moteur. Cap au 100°, 4,5 nœuds. Je sais, tout à l'heure je vous ai dit que le moteur c'était en uniquement en cas de coup dur... Je ne sais pas vous, mais dériver à la merci des courants, sans vent et à 1,5 mille des côtes, ça pose quand même un petit problème de sécurité. Donc je suis un garçon prudent, et j'allume Mercedes. Voilà.

Sur tribord c'est un véritable son et lumière... sans le son. Et toujours pas un souffle de vent. Limite creepy comme situation. C'est clair devant, je vais essayer de dormir quelques minutes.



23H05 : Il semblerait qu'on ait un peu de vent alors j'arrête le moteur. On avance péniblement à 2,5 nœuds au 70°... J'ai dû dormir une petite demi-heure je pense.



23H50 : Les éclaires semblent s'éloigner vers le sud-est. Je remonte sur le pont pour larguer les ris mais ça ne sert à rien... Même avec la GV haute on avance à moins d'un nœud. Le régul' décroche... En plus y'a plein de pêcheurs dans le coin. Faut que je me casse de là !



23H55 : Rallumage du moteur. Le Cabo Frio est à 22 milles.



Le mardi 1er juillet 2014



00H15 : Je viens de rajouter 10 litres de GO dans le tank principal. Ça fait quatre heures de moteurs en plus.



00H30 : Vous savez quoi ? Je suis en train de me faire doubler par un sous-marin. Si-si, je vous assure ! J'ai vérifié dans un bouquin, un feu jaune clignotant au dessus d'un feu blanc, c'est un bien un sous-marin en surface.



01H00 : Ça y est, j'aperçois le phare du cap. Attendez que je vérifie.... Un éclat toutes les dix secondes... Oui c'est ça, c'est bien le Cabo Frio.



Relire les classiques, toujours.
02H00 : C'est cool un phare la nuit quand on est en mer. Ça vous donne l'impression d'avoir des potes qui pensent à vous. Les phares c'est des copains qui vous font des signes sur le bord de la route et qui vous encouragent. Et c'est toujours cool d'avoir des copains. Même si en l'espèce, il n'y a plus vraiment d'êtres humains dans les phares...



03H10 : Plus que cinq milles avant le Cabo Frio. Je n'en jurerais pas, mais je crois bien que je ne suis pas le seul voileux sur l'eau cette nuit. Il y a un feu bizarre qui se dandine loin derrière.



04H00 : Je confirme. Voilier par bâbord arrière. Je pense qu'il est au moteur aussi... Parce qu'il me rattrape ! S'il était à la voile, je mangerais certainement mon chapeau !



05H00 : Ça y est, on passe le Cabo Frio ! Yes ! Cap au 55° maintenant. Plus qu'une vingtaine de milles et on arrive.



Après une nuit en mer
05H05 : Ah ben merde alors ! Voilà qu'un autre voilier me rattrape par tribord cette fois. Celui-là est sympa, il me fait même des signaux avec sa lampe. Salut copain !

Je le crois pas, y'en a un troisième encore derrière ! On est quatre à passer le Cabo Frio en même temps ! C'est une régate ou bien ? Je crois que c'est la première fois que je vois autant de voiliers sur l'eau depuis que je navigue au Brésil ! Tien, je vais me faire un café pour fêter ça.



05H15 : Si j'osais, je dirais qu'il y en a encore deux autres derrière... Peut-être même trois au quatre ! Je suis en plein milieu d'une migration !



06H15 : Ok, je viens de transvaser mon dernier bidon de 10 litres de gazoualle. Je n'ai plus qu'une vingtaine de milles à faire, donc logiquement ça devrait le faire. Le jour se lève, et je peux voir à sa lumière que je suis au milieu de toute une flottille. On est maintenant douze voiliers qui naviguent au moteur dans la même direction... C'est beau.

Par contre, je suis en train de me dire que si on va tous au même endroit, ça risque de poser un problème de place à l'arrivée... M'enfin, on verra.



07H00 : Tien ! Un albatros à sourcils !!! Qu'est que tu fais si haut toi ? On est quand même sous les tropiques, t'as pas chaud ?



07H40 : Le vent se lève, il faut tenter de vivre. J'adore cette citation de Paul Valéry que j'ai découvert en regardant le dernier Hayao Miyazaki. Il vient du nord et fait gîter La Boiteuse qui avance toujours au moteur en appuie sur ses deux voiles. J'ai presque envie de couper le moteur et d'en profiter pour économiser du carburant... Mais non. Je l'ai pile dans mon cap, et je vais être obligé de tirer des bords alors que le but est là, à portée de main.



08H20 : Pendant que je sirote mon maté, je potasse mon atterrissage avec le guide nautique. Ça risque d'être un poil compliqué de trouver un endroit où planter la pioche, protéger et pas trop loin du bord...

La première chose que je vais faire en arrivant, c'est manger et dormir. Et encore, manger c'est même pas sûr... J'ai dû fermer l’œil, je ne sais pas moi... pas plus de trois heures cette nuit. Et fermer l’œil c'est à prendre au pied de la lettre, parce que je n'ai pas souvenir d'avoir fermer les deux à un moment donné.

En même temps, il me tarde aussi de descendre à terre et de découvrir mon nouvel environnement. J'ai aussi très envie de passer dire bonjour à Sylvia et Francis.



09H00 : Plus que 4,5 milles ! On y est dans une heure ! Depuis que nous avons passé Cabo Frio, la mer est soulevée par une grosse houle paresseuse du sud-est. Quel plaisir de la retrouver celle-là ! Ça veut dire qu'à partir de maintenant, les conditions pour remonter les côtes du Brésil vont devenir de plus en plus favorables. C'est cool, ça me fait sourire au dedans de moi.



10H00 : Et bien nous y voilà... Wahou ! C'est plutôt rempli par ici... Maintenant y'a plus qu'à trouver une place où se garer...



Armação de Búzios
17H30 : Comme je le prévoyais, cela n'a pas été évident d'arriver à se caser quelque part. J'ai tourné-viré pendant un moment pour trouver un endroit suffisamment safe et en même temps pas trop éloigné du bord, mais le seul qui convenait si situait par neuf mètres de fond. Pour tout vous dire je n'ai jamais mouillé si profond... (d'habitude c'est quatre ou cinq mètres) et j'avais peur que mes quarante mètres de chaînes ne suffisent pas. J'étais à deux doigts de balancer quand même mon ancre lorsque je me suis ravisé et que j'ai décidé de voir avec le Yacht Club si je ne pouvais pas prendre une bouée.

Malheureusement je me suis entendu répondre par la radio que toutes les bouées étaient réservées jusqu'à arrivée complète de la flottille de voilier qui venait de me doubler quelques heures plus tôt... Le gars me dit (dans un portugais parfaitement compréhensible, ce qui est une gageure lorsqu'on communique par VHF !), que lorsque tout le monde sera là, et si il reste une place, ils me la donneront avec plaisir. En attendant il fallait que je mouille quelque part... C'est donc ce que j'ai fait. J'ai balancé mon ancre et toute ma chaîne entre un 42 pieds argentin et une escuna.

Puis je me suis accordé deux heures d'une sieste bien mérité...



Après, il devait être 14H00, j'ai mis Miss B à l'eau et j'ai ramé jusqu'à la plage. Mes enfants, il faut que je vous dise que ça doit faire depuis plus de trois ans que je n'ai jamais vu une eau aussi limpide ! C'est un vrai plaisir, un avant goût de Caraïbes !

J'ai débarqué et j'ai filé tout droit à la pousada L'Escale pour saluer Sylvia et Francis. En fin d'après midi, et après confirmation qu'une place était bien disponible, je remontais mon ancre (non sans mal car quand vous avez dix mètres de fond, le poids sur les bras n'est pas le même qu'avec quatre ou cinq !) et je venais tranquillement m'accrocher à une bouée jaune marquée ICAB : Iate Clube Armação de Búzios.



Maintenant, y'a plus qu'à attendre la prochaine fenêtre qui m’emmènera vers Vitoria... Mais ça ne sera pas avant une semaine au moins ! Je vais avoir le temps de profiter du lieu, et de refaire les pleins d'eau et de carburant. A la prochaine !