jeudi 29 août 2013

Coup de vent

34°57.786S 55°16.183W
Piriápolis, Uruguay

Réflexions
Parfois le lecteur pourrait croire que je n'aime pas ma vie tant il semblerait que, selon lui, je m'applique à relever les mauvais côtés de cette « vie de rêve » qui est la mienne. C'est faux, j'aime ma vie. Et si je l'aime, c'est parce que je me la suis choisi et non pas parce qu'elle est plus belle que la votre. Mais le fait de l'avoir choisi, n'empêche en rien que parfois (ni plus souvent, ni plus rarement que vous), cette vie soit merdique.

Mais ça, il paraît que je n'ai pas le droit de le dire... Qu'il y a tant de personnes qui souffrent de part le monde, qui n'ont pas la chance que j'ai, qu'il serait indécent de ma part d'oser émettre la moindre plainte, la moindre récrimination.
Homme libre, tu as bien de la chance, alors surtout évite de cracher dans la soupe. Tes petits malheurs ne valent rien par rapport à moi le lecteur qui ai du mal à boucler mes fins de mois. Par rapport à la faim dans le monde, à la guerre, aux épidémies, au chômage de masse, aux massacres des innocents, au cancer, à la hausse des impôts. Évite de dire que tout n'est pas conforme au conte de fée que les gens s'imaginent que tu vis. En clair, évite de gâcher nos rêves.

Piriapolis
C'est à peu-près comme ça que ces mots résonnent à mes oreilles lorsqu'on m'en fait la remarque à peine déguisée. Car oui, il m'arrive d'entendre ou de lire ce genre de réflexions. Oh, cela ne se fait pas de façon criante. On ne me dit pas franchement « Je trouve que tu es mal placé pour te plaindre ! ». Non, c'est plus subtil... C'est plutôt sous la forme de commentaires propres à relativiser ce qu'il m'arrive et à le comparer à l'immense honneur qu'il m'est fait de vivre cette vie. Pour ces gens, je suis un privilégié donc que je dois forcément fermer ma gueule. Mon voyage doit être forcément une suite ininterrompue de somptueux couchers de soleil, de rencontres merveilleuses et de moments idylliques. Un privilégié... Rien n'est plus loin de la vérité en ce qui me concerne.
En quoi est-ce un privilège d'avoir un jour décidé de tout plaquer et de mettre ses quelques sous dans l'achat d'un bateau ? En quoi est-ce un privilège d'avoir eu une vie pourrie et d'avoir choisi d'aller chercher ailleurs ce que je n'ai pas réussi à trouver ici ? Ma vie n'est pas si différente que la vôtre vous savez. Je suis exactement comme tout le monde. Comme tout le monde, je déprime. Comme tout le monde je souffre. Comme tout le monde je suis déçu. Comme tout le monde je fais des erreurs. Comme tout le monde je peux être malheureux et trouver que j'ai une vie de merde.

Bon. Pour être honnête, une partie de mon cerveau, une partie assez ancienne, accepte cet argument. Celle qui a été formatée par mon éducation judéo-chrétienne à la con et qui implicitement ajoute à l'équation une notion de chance. De destin. Celle d'une hypothétique distribution de cartes qui favoriserait l'un ou l'autre des joueurs.
Combien de fois n'ai-je pas lu « Oh mais qu'elle chance tu as ! ». Comme si tout un chacun ne pouvait pas prendre les mêmes décisions que moi au moment où je les ai prise ! Certes, j'estime que quelque part j'ai de la chance... Je suis passé parfois très près de la catastrophe sans jamais y perdre ni la vie, ni mon bateau. Mais il ne s'agissait là que de probabilités statistiques favorables. Rien de plus. Mais jamais la vie que je mène n'a été une question de « chance ». Elle est le résultat d'un choix. D'une décision consciente et assumée.

Ciel d'Uruguay
Entendons-nous bien, je ne dis pas que ce choix est facile. J'ai conscience que lorsque je l'ai fait, j'avais sans doute moins à perdre que certains. Cela dit, fondamentalement, cela reste un choix. Demain si vous le voulez vraiment, vous pouvez vous aussi tirer un trait et recommencer à écrire votre vie sur une page vierge.

Alors par pitié arrêtez de me dire que j'ai de la chance. Arrêtez de croire que vous n'en n'avez pas. Arrêtez de croire que si demain vous réalisez votre rêve de partir, tous vos soucis disparaîtront. Arrêtez de croire que je suis un privilégié. Arrêtez de croire que l'on mérite le sort qui est le sien en fonction de je ne sais quelle destiné, ou de quelle entité supérieure. Et surtout arrêtez de me dire que je n'ai pas le droit de me plaindre.

Rien n'est plus faux. Et si vous croyez cela, vous allez au devant de grandes déconvenues. On a toujours le choix de prendre dans sa vie, telle ou telle direction. Le tout étant d'en assumer les conséquences. Mais à moins d'être un humain parfait, assumer les conséquences de ses actes, ne veut pas dire les supporter sans se plaindre. Et je suis juste un humain...

mercredi 21 août 2013

Parenthèse animalière

34°57.786S 55°16.183W
Piriápolis, Uruguay

Bonjour tout le monde ! Hélas pour vous, je n'ai pas grand chose à vous raconter aujourd'hui. Oui je sais, c'est ballot. Mais c'est comme ça, alors arrêtez de tirer la tronche.
Non, je voulais juste écrire quelques mots pour accompagner deux ou trois photos. Histoire de ne pas vous laisser une semaine sans nouvelle, mais aussi parce que moi, perso, je les trouve pas trop mal. Et si j'osais... (Allez, j'ose  !) Elles sont même carrément superbes

Sinon, je me remet doucement et je profite de la vie comme on devrait tous pouvoir en profiter. C'est à dire avec gourmandise et sans aucune culpabilité. Les journées se réchauffent un peu, le soleil brille, et ce que je peux apercevoir de ma terrasse ne cesse de me laisser sans voix.
Comme par exemple quand ma chatte se prend pour un ninja. Ou bien lorsqu'une otarie fait la planche pour s'exposer aux premiers rayon du soleil. Ou encore lorsque qu'une Grand Grèbe glisse silencieusement sur un miroir...

Les animaux, je ne sais pas pourquoi, ont le dont de me mettre de bonne humeur. Pas vous ?

Chat-Ninja

Gros pépère

Effet miroir

jeudi 15 août 2013

Une si belle journée

34°57.786S 55°16.183W
Piriápolis, Uruguay


La journée était belle. Les 1030 Hectopascals du baromètre coïncidaient avec un temps magnifiquement ensoleillé quoiqu'un peu venteux. La température ressentie était de 6°C... C'était vraiment une belle journée d'hiver comme celles qui nous font apprécier de rester au chaud, mais également d'arpenter la rambla de los Ingleses, le bonnet soigneusement calé sur les oreilles. Car oui, la promenade du bord de mer de Piriápolis s'appelle la promenade des Anglais. Je sais, c'est drôle.

La rambla de los Ingleses
Une belle journée vous disais-je. Idéale pour ce petit tour en ville qui devait m'emmener au distributeur automatique ainsi qu'à la laverie afin de récupérer du linge.
Je marchais le long du bord de mer, m'attardant ça et là le temps de photographier un oiseau, profitant pleinement du temps qui passe lentement et de cet ambiance si particulière qu'ont les stations balnéaires en hiver. Désertes, tranquilles, silencieuses, presque fantomatiques.
Chemin faisant mon esprit vagabondait, et je me disais combien cette escale était douce. Je réfléchissais à mes prochains mois de navigation, et je me disais que sitôt arrivé à Trinidad ou Tobago, il se pourrait bien que je zappe l'arc caribéen et file directement sur le Panama... Bref, je pensais.

L'Aigrette neigeuse (Egretta thula)
Au moment de retirer mon argent pour la semaine, mon regard c'est machinalement porté sur ma CB, et l'urgence de son renouvellement m'a alors sauté aux yeux. Diable ! Expire en septembre 2013 ! Il est grand temps !
Il est grand temps, je sais... La carte est disponible à mon ancienne agence bancaire mais il me faut maintenant lui faire traverser l'Atlantique et arriver jusqu'ici... Le temps de m'organiser, c'est une affaire de deux semaines, peut-être trois. Bizarrement (!), cette idée de prolonger mon séjour ici afin de régler cette affaire ne me choque pas... Je dirais même qu'au fur et à mesure que mes pas me ramènent vers le port, cette idée devient séduisante.

En arrivant au bateau, ma décision est prise : Je vais attendre ici en Uruguay que ma nouvelle carte bleue arrive. L'endroit me plaît, je m'y sens bien. Tout va donc bien dans le meilleur des mondes.

Mouettes de Patagonie (Larus maculipennis)
Je me suis ensuite rendu chez mes copains, Franz et Hanna, histoire de papoter. Qui plus est, le sourire de la petite Milena est pour moi un ravissement et de voir cette petite fille faire ses premiers pas à bord du bateau familial est un enchantement. A mon retour sur mon ponton, un homme m'attend. C'est le propriétaire de la place que j'occupe qui désire la retrouver... Soit ! La journée est si belle ! Réglons ça maintenant !
Ensemble nous allons aux bureau, et un employé ne tarde pas à m'indiquer où me mettre afin que le monsieur puisse récupérer son bien. Là encore, nous papotons lui et moi dans la plus agréable concorde. Il m'aide même à me défaire de mes amarres pour ensuite courir jusqu'à ma nouvelle place afin de me les saisir de nouveau. L'entraide maritime dans ce qu'elle à de plus commun, mais aussi de plus sympathique.

Madame otarie à crinière
La Boiteuse glisse doucement pour s'accoter à une goélette française en acier de 20 m. J'arrête le moteur, et me dirige vers l'avant pour lancer mes amarres... Et c'est là que je mets le pied sur le tube en inox qui me sert de bout-dehors. Tube que j'avais démonté afin d'en changer le boulon de fixation... Ma cheville se tord et j'entends en même temps que je sens distinctement un crac de mauvaise augure.
La douleur me submerge l'instant d'après. Je m'écroule, pendant que heureusement le monsieur venu m'aider se saisi de la proue du bateau pour l'empêcher de percuter le quai. J'ai la nausée tellement j'ai mal... Mais j'arrive quand même à lui jeter mes deux pointes avant et à confectionner un point d’embelle pour m'amarrer à mon gigantesque voisin. La Boiteuse est sauve, mais moi je déguste grave.

Quelques heures plus tard m'auto-diagnostique une entorse. Et pas une légère. Du genre sérieux. Ma cheville a triplée de volume et la douleur m'empêche de poser le pied par terre. C'est que je m'y connais en entorse mine de rien... Je supporte les conséquences de l'une d'entre elles depuis plus de vingt ans. Mon souci, c'est qu'il s'agit de mon pied gauche. C'est à dire mon pied valide. Celui qui m'aide à marcher et à soulager ma cheville droite abîmée depuis tant d'années.
En clair, je ne peux plus marcher. Sinon à me tenir à tout ce qui peut supporter mon poids dans le bateau et à grimper les cinq marches de la descente sur les genoux.

Bon, il faut que je m'organise un peu là... Mais je vais quand même attendre demain, histoire de voir comment ça évolue.

Le lendemain...

Et bien voilà !
Ma nuit a été plutôt compliquée. Malgré la dose d'aspirine que je me suis administré j'ai eu du mal à dormir, ma cheville ne supportant même pas le poids de la couette. Quant au lever... Je vous laisse imaginer le calvaire que c'est d'avoir vos deux pieds qui refuse de vous porter. C'est l'enfer !
Cela dit, les choses ne sont pas aussi graves qu'elles semblent l'être. Je reviens de l’hôpital, et mon auto-diagnostique c'est trouvé confirmé par les radios : Entorse sévère.
Au programme c'est donc des anti-inflammatoires et du repos. Beaucoup de repos... C'est à dire que je ne suis pas sensé poser le pied par terre pendant au moins quinze jours, voire plus. Et ça, je sais déjà que cela me sera impossible. J'ai encore de quoi manger, et n'ai donc pas besoin de me déplacer. Mais d'ici deux ou trois jours cela risque de devenir problématique...

Finalement, moi qui me cherchais des raisons de continuer à profiter de cette escale uruguayenne, je me rends compte que la vie décide pour moi. Je vais rester ici bien tranquillement, profiter de ce repos forcé et attendre bien sagement que ma nouvelle CB arrive et que ma cheville se remette.
D'ailleurs, cela n'est pas si dur à concevoir, car malgré le vent qui fait vibrer les haubans, le soleil inonde généreusement le carré de la Boiteuse.
C'est encore une très belle journée qui s'annonce.

lundi 12 août 2013

Bon voisinage

34°57.786S 55°16.183W
Piriápolis, Uruguay

Piriápolis en hiver... Je n'ai pas vraiment de point de comparaison, mais j'imagine que c'est à ça que ressemble toutes les stations balnéaires hors saison. Un climat de merde avec quelques belles journées ensoleillées, des rues vides, une plages désertes... Le temps semble se dérouler au ralenti. Piano, piano... Les pêcheurs rentrent et débarquent le poisson sur le quai. Quelques badauds les observent et commentent les prises du jour.

Mais surtout ce qui me plaît ici, ce sont mes nouveaux voisins ! Pas très causants quand on les rencontre la première fois, peut-être même intimidants par certains côtés. Ils sont massifs, ombrageux, les mâles surtout, mais également d'une nonchalante passivité... Les otaries à crinière prennent le soleil sous le regard des passants, faisant mine de supporter avec indifférence les cris des enfants et les aboiements des chiens. Ils sont le sujet de LA photo de vacance, chacun souhaitant y figurer en compagnie de ces mastodontes pesant jusqu'à 350 kilos.
Les deux gros mâles qui squattent le ponton où La Boiteuse est amarrée font respectivement 150 et 250 kilos, à vue de nez. Toujours assez éloignés l'un de l'autre, pour des raisons de hiérarchie je suppose, je les entends se battre tôt le matin. Ils joutent dans l'ombre, faisant bouillonner l'eau du port et en poussant des grognements qui s'entendent à des centaines de mètres.

La pêche du jour
Le plus gros du port, c'est lui !
Et lui c'est le challenger
Otarie à crinière, vous voyez pourquoi ?
Les enfants sont fascinés par de tels animaux
Et moi aussi !
Et on finit avec une petite vidéo !


Curieuse, mais prudente !

jeudi 8 août 2013

De Buenos Aires à Piriápolis

34°57.786S 55°16.183W
Piriápolis, Uruguay

Prologue

A l'Est...
Nous sommes le dimanche 04 Août 2013, il est 08H00 et j'ai un problème. Bon, déjà que j'ai dû encore courir dans tous les sens pour être prêt au départ, voilà que mon moteur refuse de démarrer. Putain de bordel de merde, pourquoi faut-il que j'oublie systématiquement de faire un essai la veille des départ, hein ?
A vu de nez j'ai l'impression que ça se passe au niveau du démarreur... Malgré toutes mes galères mécaniques, je ne suis toujours pas un expert diéséliste et je ne peux me fier qu'à mes seules impressions. Il faut que je trouve une solution tout de suite, sinon je vais rater la marée. Seulement nous sommes dimanche... et donc il m'est impossible de trouver un mécano sur le chantier. Tant pis je vais réveiller Laurent.
Lorsque je débarque chez lui je suis dans mes petits souliers car le pauvre dort encore. Mais Laurent est un type gentil comme tout et il accepte de venir me filer un coup de main. On ausculte la bête, et effectivement le souci vient bien du démarreur.

Démarreur de puta madre !
Démontage, nettoyage, essai... et remontage : Vroum ça marche. Sauf que la courroie de mon deuxième alternateur (celui qui ne marche pas, ne me demandez pas pourquoi) patine un peu. On en profite donc puisqu'on a déjà les mains pleines de cambouis pour essayer de régler ça aussi. De toute façon la marée haute est passée depuis belle lurettes, alors autant s'occuper.

Il est maintenant onze heures du matin et il faut que je trouve un arrangement avec la marina. Contre toute attente le gars au bureau me dit que je peux rester vingt-quatre heures de plus sans problème et lorsque je sors un billet pour payer ma journée il m'envoie gentiment bouler. "No, se passa nada". J'en ai les yeux qui piquent de gratitude.

Donc, départ demain lundi. Je vais devoir plancher sur un autre plan de navigation car la fenêtre ne me permettra plus de rejoindre La Paloma comme prévu.


Le lundi 05 Août 2013 – Labourage et mise en bouche

Il faut suivre les bouées vertes !
09H15 : Wahou... Je me rends compte que cela fait un bout de temps que je ne me suis pas remis en mode écriture, et franchement je ne sais pas trop comment commencer. Je vais me préparer un maté bien chaud, et on va voir si ça me remet les idées en place.

Voilà, je me sens mieux. Je suis prêt à vous raconter ce départ tant attendu et mainte fois repoussé d'Argentine.

A cause, ou plutôt grâce au raté d'hier, je n'ai pas eu trop à me démener pour préparer La Boiteuse ce matin. Tout était plus ou moins en ordre, à part peut-être la Touline que j'ai dû aller récupérer sous la capote du bateau d'à côté.
Décollage à 08H00, quarante cinq minutes après l'heure de marée haute. Je suis à la bourre. D'ailleurs, elle n'est pas si haute que ça la marée... Avec le vent d'ouest qui souffle depuis deux jours, quelque soient les chiffres qu'annoncent les éphémérides, ils sont forcément faux.
Les six premiers milles se font au moteur, les yeux rivés sur le sondeur qui baisse au fur et à mesure que j'avance vers l'embouchure du Rio Lujan. Je m'applique à suivre ma trace laissée il y a quelques mois, mais les chiffres continuent à décroître : 1,80 m, 1,70 m - Ça y est je touche - 1,60 m... Là, je laboure la vase comme un paysan sa terre ! J'ai une pensée émue pour mon antifouling tout neuf... Mais ça passe. Une heure plus tard le sondeur commence à remonter et je peux commencer à dénouer le nœud que j'ai dans l'estomac.
Je hisse ma Grand-voile toute neuve avec deux ris et le foc en grand. Cinq nœuds au grand-largue, c'est parfait. Cap au 110°.

10H00 : On avance bien ! Je suis content. Il caille pas mal car le ciel est couvert. Le sondeur affiche trois mètres de fond, je me sens plus à l'aise.
Tout à l'heure j'ai eu la surprise d'entendre Laurent m'appeler à la VHF. Il voulait savoir où j'en étais. Et j'en suis à regarder les buildings de Buenos Aires s'éloigner sans regret.

11H45 : Malgré le soleil qui apparaît de temps en temps il fait toujours froid. Le thermomètre indique 12°C, mais comme nous sommes au portant il m'est impossible de me protéger du vent. La température ressentie est donc bien plus basse... Je tente de passer le maximum de temps à l'intérieur, mas étant donné l'endroit où je me trouve ce n'est pas très prudent. Ça grouille de ferry à grande vitesse par ici.
Profondeur 4,5 m. Vitesse 5,5 Nœuds. J'ai faim.

Ça va ?
13H50 : J'enlève un ris à la GV, il n'en reste plus qu'un. Le vent est tombé et mes glorieux 5,5 Nœuds de moyenne sont en train de se casser la gueule à la vitesse grand V.
Plus un nuage dans le ciel l'atmosphère se réchauffe un peu. J'apprécie comme il se doit ses chauds rayons sur mon visage... Mmmm... Ça fait un bien fou !
Et apparemment je ne suis pas le seule à en apprécier les bienfaits. Regardez-moi un peu cette dégaine !

14H50 : Au fait, il ne me semble pas vous avoir dit où nous allions. Pour tout vous dire, cela va dépendre du chemin que nous aurons parcouru dans les prochaines vingt-quatre heures.
Au départ, hier je veux dire, je prévoyais de rallier La Paloma en deux jours et deux nuits, qui était plus ou moins le temps imparti par ma fenêtre météo. Avec ce report de vingt-quatre heures, mes options ont changées : Je peux être à Montevideo demain matin, ou tenter de rejoindre Piriápolis avant la fin de la journée de demain. Franchement, je préférerais la seconde option.
Piriápolis m'avait laissé une brève mais bonne impression lorsque nous nous y étions arrêté avec Zoë. Souvenez-vous, c'était en Février, donc en plein été, et le prix de la place, 40 $ par jour, nous avait fait fuir après une courte escale de moins de vingt-quatre heures.
M'enfin, on verrait bien comment ça se présente demain matin.

Chaud devant !
16H45 : J'en ai marre de me traîner. Allez hop ! J'envoie le spi ! On remonte à 5 nœuds. Ce n'est pas grand chose mais ça me suffit. Du coup, comme j'avance presque à la même vitesse que le vent, il fait bien plus chaud dans le cockpit. J'en profite un max, car je sais que cette nuit ce sera une autre limonade.

17H10 : It's funny. Bon, vous savez que je ne suis pas un fana de navigation. J'envisage ça plutôt comme un moyen de me transporter avec ma maison sur le dos, plutôt que comme un loisir. Cependant il ne m'est pas interdit d'apprécier ce que je fais.
Et là, en ce moment même, j'apprécie. Je suis heureux d'être où je suis, à cet instant.
Il fait bon, La Boiteuse glisse sur l'eau comme dans un rêve... Mon visage me brûle un peu et je sens mon corps emprunt d'une douce lassitude. Je suis bien.
Cette période prolongée d'inaction, dont j'avais besoin pour diverses raisons - ne serait-ce que pour encaisser ma rupture avec ma belle américaine – m'a quand même conduit à reprendre pas mal des kilos perdus auparavant. Là, je sens que mon corps apprécie d'être malmené. Il me dit que je ne vais pas tarder à redevenir aussi affûté qu'avant ! - Je plaisante bien sûr. Je suis, et je resterais sans doute, un rondouillard.

18H00 : On avance toujours aussi bien. Le soleil se couche et le froid me tombe sur le râble.

Le mardi 06 Août 2013 – Courroie et Lions de mer

Un maté pour se réchauffer
O7H25 : La nuit a été compliquée et froide. Bon, le froid je m'en doutais un peu et j'ai essayé de le supporter comme j'ai pu. Le bon côté de la chose quand vous êtes au fond de votre cockpit à trembler comme une feuille, c'est que ça vous maintient éveillé. En solo dans une zone truffée de pièges, ce n'est pas inutile.
Compliquée car il m'a fallut jongler avec les éléments. Le vent à virer du NO au SO et j'ai dû faire un empannage en début de nuit. Rien de bien compliqué dans l'absolu, sauf quand on est sous spi et que l'on n'y voit rien.
Ensuite, vers 03H30, le vent est complètement tombé et j'ai dû allumer le moteur (qui a démarré au quart de tour !).
Nous y sommes encore, au moteur, pour la plus grande joie de Touline qui déteste ça. Elle reste prostrée sur le capot de la descente, sans manger ni boire... C'est trop bruyant pour ses oreilles sensibles !

Montevideo est à 20 milles, et Piriápolis à 65. Nous y seront ce soir entre 20H00 et 21H00. Car oui, j'ai décidé que ce sera finalement Piriápolis. Cette nuit glacée est comme un aiguillon dans mon flanc, qui me fait me dire : Magne-toi de remonter vers le Nord ! On n'en peut plus de ce froid !
C'est ce que j'appelle une excellente motivation.

09H45 : J'arrête le moteur. On ne peut pas vraiment dire qu'il y a du vent, mais j'en ai marre. La journée est splendide, et je veux pouvoir en profiter un peu dans le silence. Je hisse le spi, mais cette grande voile de 65 m2 suffit à peine à me faire avancer à 1,5 Nœud. C'est pathétique ! Mais tellement reposant. On va rester un peu comme ça... Une heure ou deux. De toute façon je sais que je vais arriver de nuit à Piriápolis, alors une heure de plus ou de moins ne feront guère de différence.

10H45 : Fin de la séquence plaisir, je rallume Mercedes.

Palacio Salvo
11H30 : Montevideo se découpe en contre-jour sur bâbord. Je reconnais la silhouette caractéristique du Palacio Salvo, et aussitôt me reviennent en mémoire les bons moments que nous avons passé Zoë et moi dans cette ville...
Je me souviens qu'une fois, nous nous étions arrêté à la terrasse d'un restaurant pour déguster un chivito... Un Chivito c'est un genre de hamburger avec un vrai steak de vache à l'intérieur et plein d'autres bonnes choses. Une fois servis, j'ai attaqué le mien de bon cœur avec mon couteau et ma fourchette, m'appliquant à y découper des parts en adéquation avec la taille de ma bouche, et Zoë s'est emparée du sien en bonne étasunienne qu'elle est, c'est à dire avec les mains... S'en est suivit un dialogue savoureux sur mon côté snob qui m'obligeait à utiliser des ustensiles pour manger un sandwich. Sauf que tout autour de nous, les autres clients faisaient de même, éducation européenne oblige !
Ma Zoë s'est senti un peu seule sur ce coup-là... Et moi j'étais mort de rire à la voir essayer de faire comme tout le monde et de tenter maladroitement de découper son chivito !
Bon, outre le léger blues que provoque ce souvenir, vous raconter cette histoire m'a donné faim ! A table ! (sandwich à la mortadelle sans couteau ni fourchette !)

12H30 : J'ai cru que j'étais en train de regarder un pneu qui flottait, mais en fait il s'agissait d'un lion de mer qui se grattait la nageoire ! Hélas pour vous, le temps de réaliser mon erreur l'animal était bien trop loin pour que je puisse le photographier.

12H50 : Je viens de rajouter 30 litres de gasoil dans le réservoir principal. Avec ça, je suis tranquille jusqu'à mon arrivée.

13H20 : Un autre Lion de Mer ! Et cette fois-ci j'ai pu le mettre dans la boite ! (Par la suite, j'en verrais au total une dizaine d'autres. La plupart faisaient paresseusement la planche en prenant le soleil)
Otaria flavescens
15H05 : Je viens de finir « Des souris et des hommes » de Steinbeck. Je ne l'avais pas relu depuis le collège... J'en suis encore tout tourneboulé.
Il reste 30 milles à faire. Je devrais arriver vers 20H00.

16H00 : Alors que j'aperçois mes premiers Albatros, je décide de m'octroyer un petit goûter. Café et muffin au chocolat, rien n'est trop bon pour l'équipage !
Albatros à sourcils noirs (Thalassarche melanophris)
16H35 : Heu... Houston, on a un problème !
Alors que je jetais machinalement un œil au voltmètre, je me suis rendu compte que mes batteries ne chargeaient plus. Et en ouvrant le capot du moteur pour vérifier les branchements, je me suis aperçu que l'alternateur ne tournait plus ! Et pour cause, la courroie a disparue ! Elle a littéralement été réduite en poussière !
Ce qui m’interpelle c'est que je ne me suis rendu compte de rien... Je fouille ma mémoire. Il me semble bien avoir senti une odeur de cramé ce matin, mais tellement fugace que je n'y est pas prêté attention plus d'une seconde... Espérons que l'alternateur fonctionne encore. A priori, je devrais avoir suffisamment de jus pour arriver. Les panneaux solaires ont bien travailler toute la journée.
Hum ! Pour mémoire, cette courroie c'est celle que nous avons démontée et remontée avec Laurent la veille du départ...

J'aime pas le moteur !
16H45 : Je souries devant l'ironie de la chose. En effet, que serait mon voyage sans toutes ces conneries à répétition ? Hein ? On s’ennuierait à naviguer sur un long fleuve tranquille ! N'empêche, si je n'étais pas sensé arrivé dans quatre heures, je serais un petit peu dans la merde... Car bien sûr je n'ai pas la courroie adéquate dans mes réserves. Note pour plus tard : Acheter un jeu de courroies complet !

18H00 : Je profite des dernières lueurs du jour pour préparer La Boiteuse pour l'atterrissage. Je suis encore à 15 milles de ma destination, mais les amarres et les défenses sont déjà en place. Autant faire ça maintenant... Je pense que je vais allumer mes feux de position au dernier moment, pour donner le maximum d'énergie au pilote automatique. Piriápolis est en vue devant moi, et derrière moi j'ai droit à un beau coucher de soleil.

19H00 : Ceux qui ne naviguent pas ne savent pas combien il est compliqué d'atterrir de nuit dans une ville illuminée. C'est un vrai casse-tête que de devoir repérer parmi tous ces points lumineux, le rouge et le vert qui indiquent l'entrée du port. Heureusement, j'ai pris soin de prendre d'autres repères, et le GPS fait le boulot. Le vent s'est levé et forcit, pile dans le nez du bateau. La bascule arrive plus vite que prévu.

20H00 : Ça y est, je vois la rouge qui clignote. J'essaye de joindre les autorités par radio (procédure obligatoire en Uruguay) mais le canal 16 est hyper encombré par tous les cargos au mouillage en face de la ville.

20H30 : Je m'approche doucement du travel-lift où j'aperçois un type qui me fait des signaux lumineux avec sa lampe torche. Je ne suis pas encore arrêté que le type me propose de me mettre ailleurs. Ok... S'en suit alors une manœuvre bien flippante qui consiste à faire demi-tour dans un mouchoir de poche avec un vent de 15 nœuds, un molle de trois mètres d'un côté et le flanc d'un yacht à moteur de l'autre... Mais je m'en sors plutôt bien et quelques minutes plus tard je peux enfin arrêter mon moteur. Il est 20H50, et je suis arrivé à Piriápolis.

A peine libérée, Touline saute sur le molle et commence à explorer son nouvel environnement. C'est drôle, mais à la vitesse à laquelle est se déplace je peux voir qu'elle reconnaît l'endroit !

Le lendemain matin, alors qu'une série d'orages violents s'abat sur Piriápolis, j'ai le plaisir de faire connaissance avec notre nouveau voisin. Il est noir, pèse dans les deux cents kilos et apprécie particulièrement de ne rien faire de sa journée, sauf à se toiletter comme une débutante.
J'aime bien mon voisin. Par contre, je ne sais pas pourquoi, mais Touline semble très timide avec lui ! Elle le regarde de loin... De très loin !

La Boiteuse à bon port

Un gros bébé !

dimanche 4 août 2013

¡Vamonos!

34°26.602S 58°31.795W
Buenos Aires, Argentine

Adios Tigre !
Cette fois-ci c'est la bonne. Je parle de la fenêtre météo que j'attends depuis deux semaines et qui se présente enfin.
Je sais. Vous allez me dire que ce n'est pas trop tôt, que j'ai pris mon temps, patati patata... Nous sommes d'accord. Cela dit, et sans pour autant vouloir me justifier, par trois fois déjà les fichiers météo m'ont annoncé la même chose, et par trois fois j'ai dû renoncer pour des raisons aussi diverses que le froid, la pluie, les vents contraires ou tout simplement parce que je n'étais pas psychologiquement prêt. Bref, que des bonnes raisons à mes yeux.

Mais là, c'est la bonne. Pour preuve, je rentre à l'instant (il est 20H30) de ma tournée administrative et je suis officiellement sur le départ. Quoiqu'il arrive, demain matin je m'en vais avec la marée, c'est à dire assez tôt... Sur les coups de sept du mat'.

Je retourne donc sur mes pas. Destination : le port de La Paloma, en Uruguay. Logiquement, je devrais en avoir pour deux jours...
Allez, j'ai conscience que ce petit mot n'est pas aussi bien troussé que ce que vous avez l'habitude de lire, mais comme d'habitude je suis un peu à la bourre dans mes préparatifs :

Alors je vous dis à dans quelques jours en Uruguay !

Le spi est à poste chef ! Je le couve !

Petit bricolage sur la balancine de tangon