jeudi 30 juin 2011

On s’éternise...

36°09.439N 05°21.338W
La Línea

Et bien… Braves gens, je crois que nous pouvons le dire : La boiteuse est guérie.

Nouvelle pompe !
Hier, je suis allé faire une ultime incursion en territoire britannique et je m’y suis procuré une nouvelle pompe à eau, et l’après-midi la transplantation a eut lieu. La patiente a parfaitement réagi à l’opération et après une nuit en soin intensif, nous avons effectué un test d’effort. Le résultat de ce test démontre une parfaite gestion de l’énergie électrique et un colmatage complet des fuites. La patiente au réveil dénotait une vitalité qu’on ne lui avait pas vue depuis un moment déjà, et montre tous les signes d’un rétablissement complet. Du coup, son propriétaire aussi !
Nous pouvons donc dors et déjà programmer la sortie de l’hôpital aussitôt que le service du Docteur Météo aura donné son accord et que l’avitaillement complémentaire sera terminé ainsi que les pleins en eau et en gasoil effectués.

Bon, redevenons sérieux deux minutes… Autant vous dire que je ne suis pas fâché d’avoir résolu ce problème et qu’il me tarde de reprendre la mer. Pas fâché du tout si l’on considère que je m’en tire finalement à bon compte, 70 £ la pompe, et que je n’aurais perdu qu’une semaine…
Enfin, perdu n’est pas vraiment le mot adéquat si l’on considère que j’aurais eu le privilège de visiter ce lieu relativement unique qu’est Gibraltar. Les colonnes d’Hercules, il n’y en a que deux dans le monde merde !
De même, une semaine n’est peut-être pas non plus le bon mot car les dernières nouvelles du front météorologique ne sont pas vraiment encourageantes…

Une baliste
En gros, et pour faire simple, j’ai le même problème qu’il y a dix jours. Un joli front se propose de me faire danser au large du Maroc à partir de dimanche et il se pourrait même qu’il veuille m’accompagner jusque dans les iles pendant le reste de la semaine qui vient. En clair la fenêtre météo s’est refermée et je vais devoir attendre qu’une autre veuille bien s’ouvrir. (Putain de bordel de merde !)

Je ne sais plus qui parmi vous me disait l’autre jour, que si j’avais eu ce problème d’électricité c’est qu’il y avait une raison quelque part… Je ne suis toujours pas convaincu qu’il existe un destin, une ligne tracée qu’il convient de suivre (parce que si on commence à accepter ces trucs-là on en vient vite à prier je-ne-sais-qui). Mais toujours est-il que je reconnais que pour conserver une bonne hygiène mentale c’est quand même mieux quand on essaye de profiter des aventures comme des mésaventures. C’est cet optimisme dont je vous parlais il y a quelque temps, et que j’essaye tant bien que mal de conserver même si ce n’est pas facile tous les jours.

Sa petite sœur
Alors nous allons conserver ce bel optimisme retrouvé, et nous allons en faire bon usage. Je vais attendre patiemment qu’Eole me donne le feu vert (même si ça me fait royalement chier), et je vais essayer de profiter de ce moment d’attente (parfaitement inutile) pour devenir un pêcheur émérite.

L’eau du port de la Línea est particulièrement propre et regorge de vie. Mulets bien sûr, mais aussi loups (un bar pour les gens du nord), sars, balistes et autres bogues pullulent et il n’y a qu’à se servir. Et c’est-ce que j’ai fait ce matin en pêchant une petite baliste. J’ai oublié de la peser mais toujours est-il que ce midi j’en avais plein mon assiette pour pas un rond !
Merci à Raymond qui m’a montré comment l’attraper et la préparer !
J’ai également repéré un énorme loup d’au moins 80 cm qui patrouille dans les eaux claires du port et j’espère bien arriver à lui faire suivre le même chemin que la baliste. C’est-à-dire directement vers ma poêle à frire !

Et hop !
Ce matin lorsque je me suis réveillé je pensais vraiment vous annoncer que je partais imminemment sous peu, mais ce n’est hélas pas le cas. Je l’ai un peu en travers de la gorge tout de même, d’autant que Raymond et son nouveau coéquipier Antoine ont eu (eux !), le champ libre pour filer droit vers les Açores. Ils sont partis en début d’après-midi et je vous avoue que ça fait un peu comme un vide… Je leur souhaite bon vent et bonne mer, et avec un peu de bol on arrivera en même temps à nos destinations respectives. Qui sait ?


Bye Bye Madura Dream !

mercredi 29 juin 2011

Who’s the best ?

36°09.439N 05°21.338W
La Línea

Qui c’est le meilleur ? Non, sérieusement je me permets de vous poser la question. Hein ? Qui c’est le meilleur ?

Salope !
Et bien c’est moi, bien sûr. Bon je ne vous parle pas de mon rendez-vous avec le Forum du Mouv’ hier au soir, qui a lamentablement tourné court… Tout ça parce que j’ai oublié que lorsqu’on reçoit un coup de fil sur un portable à l’étranger, l’appelé paye presque autant que l’appelant. Et que ayant omis de recharger la carte prépayée de mon portable… Bref, autant pour moi et désolé Eric de t’avoir planté.
Cela dit, je suis resté de longues minutes à parler tout seul au téléphone alors que la liaison était coupée depuis belle lurette, et ça c’était plutôt rigolo ! (Avec le recul !)

Non, si je me permets de proclamer bien haut que je suis le meilleur c’est parce que je pense avoir enfin mis la main sur le maillon faible de la Boiteuse… En fait j’en suis persuadé depuis ce matin, il s’agit de ma pompe à eau.
Non, pas la même que celle qui m’a lâchée à Valencia, une autre. La petite pompe qui permet à mon eau potable d’arriver jusque dans mes robinets.

Figurez vous qu’en tant qu’abrutit patenté, je savais très bien que celle-ci montrait quelques ratés depuis un certain temps. Elle se mettait en marche quand elle le voulait, mais surtout pas quand moi je le voulais… Bref, en fait elle était bloquée et fonctionnait à plein régime en permanence. Ce qui explique ma consommation excessive d’électricité.
Comment je l’ai su ? Et bien en faisant quelques tests et en procédant par élimination. A chaque fois que je me suis absenté pour quelques heures, ainsi que la nuit, j’ai laissé allumé tout un tas de lumières et d’appareils (jamais les mêmes et en me débranchant du quai, bien sûr), et à chaque fois je me retrouvais avec mes deux batteries de service complètement asséchées en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Peu à peu mes soupçons, initialement dirigés vers l’éolienne, se sont reportés vers cette fichue pompe et en la contrôlant je me suis rendu compte qu’elle chauffait…

La Boiteuse versus Madura Dream
D’ailleurs cela m’a été confirmé par le sieur Raymond qui nous a rejoint hier au soir à la Línea à bord de Madura Dream. Ma pompe est morte, ou tout du moins déconne à plein tube. Cette nuit, j’ai réalisé le test ultime : Deux lampes, les feux du bateau, la radio et le sondeur allumés, et la pompe débranchée. Et ce matin, bingo ! J’avais encore du jus dans les batteries ! Ouf !

Autant vous dire que je suis soulagé… Il ne me reste plus qu’à racheter une pompe neuve, l’installer, et on va pouvoir repartir !

Donc, le programme du jour ce sera la recherche intensive d’une pompe… Pour bien faire j’aimerais la trouver rapidement pour profiter de Raymond tant qu’il est encore dans les parages, car Madura Dream est sensé repartir demain matin et mettre le cap sur les Açores. Peut-être même que nous pourrons naviguer de concert pendant quelques milles avant que nos routes ne se séparent ?
Non, ce ne serait pas raisonnable… Il faut tout de même que je vérifie que tout fonctionne correctement avant que de quitter le continent. De plus, j’ai de nouveau un avitaillement à faire et d’autres trucs à contrôler… Donc pour l’instant on ne prévoit rien tant que la nouvelle pompe n’est pas installée et que j’ai bien vérifié « l’étanchéité » de mon système électrique.

Mais je peux déjà vous dire que d’ici la fin de la semaine, la Boiteuse aura quitté l’Europe !

Allez, Adios amigos ! Et comme je suis gentil je vous mets une dernière photo de Maman Magot et de son rejeton.

Sious plaît M'sieurs-dames...

lundi 27 juin 2011

Impressions de Gibraltar

36°09.439N 05°21.338W
La Línea

The Rock
Je dois l’admettre, lorsque je suis arrivé samedi matin à la Línea, j’avais le moral dans les chaussettes. Marre de chez marre. Je ressassais sans cesse la longue liste des avaries qui m’étaient tombées dessus depuis mon départ, l’argent que cela m’avait couté, le temps perdu… L’optimisme, qui jusqu’alors m’accompagnait à toutes heures du jour et de la nuit, s’était transformé en une espèce de fatalité morose pleine de ressentiments envers ma Boiteuse, de colère aussi… J’en voulais à la terre entière.

Bien sûr, la terre n’y est pour rien. Tout comme la lune, la mer ou la Boiteuse n’y sont pour rien. Le seul à blâmer, c’est moi. Moi et mon incurie à vouloir que tout fonctionne parfaitement avec des bouts de ficelles. Comme si c’était aussi simple…
Le problème avec cette vie que je me suis choisi, celle qui se tisse justement avec des bouts de ficelle, c’est qu’elle ne peut fonctionner qu’en étant résolument optimiste. Le verre à moitié plein en permanence à l’esprit, il me faut croire en l’humanité, en la chance et surtout en moi. Mais bordel, ce n’est pas facile tous les jours.

Aujourd’hui ça va mieux. J’y vois de nouveau clair et je sais plus ou moins ce que je vais devoir faire pour résoudre mes petits problèmes d’électricité. J’ai une fuite d’énergie quelque part, et nom de dieu de merde, je vais la trouver ! Pour ce faire j’ai entrepris une série de tests pour identifier cette fuite, et avec un peu de patience et de logique, ce sera bien le diable si je ne mets pas la main dessus.
Et puis c’est toujours mieux qu’une fuite d’eau, hein ?

Wellcome !
Hier, dimanche, pour m’occuper l’esprit et ne pas trop penser, je me suis accordé une petite balade à Gibraltar. Enfin, une petite balade… J’y ai passé la journée tout de même.
Je me suis promené sur les quais de la marina à la recherche d’un shiplander, dont j’avais entendu parler dans mes lectures, susceptible de me fournir les documents nautiques dont j’ai besoin pour ma traversée. Bien sûr comme nous étions dimanche, il s’agissait plus d’un repérage qu’autre chose. Après l’avoir trouvé je me suis accordé une longue pause à la terrasse d’un café dans l’Ocean Village, afin de pouvoir expédier la vidéo de ma rencontre avec les dauphins. Cela m’a pris trois heures tout de même…

J’ai profité de ce moment pour observer les passants et m’imprégner de cette atmosphère si particulière qui règne à Gibraltar.

Ici, il n’y a pas doute à avoir, nous sommes bel et bien sur un petit bout d’Angleterre. L’Union Jack flotte glorieusement aux frontons des bâtiments et la population ne parle qu’anglais. Il parait qu’ici on pratique également le Llanito, un mélange d’anglais et d’espagnol, mais je n’ai pas eu pour l’instant l’occasion de l’entendre. On peut payer en Euros, mais on vous rend la monnaie en Livres Sterlings de Gibraltar, tout en s’octroyant au passage une plus-value généreuse par rapport au taux de change officiel. Une véritable arnaque si l’on y regarde de plus près.

le paradis des alcooliques...
Un conseil, si vous venez un jour par ici, retirez du fric à un distributeur et payez directement en Livres. Ça vous évitera d’enrichir encore plus les commerçants qui se font déjà bien assez de fric en profitant du statut particulier de Gibraltar. Car il faut bien le dire Gibraltar n’est ni plus ni moins qu’un paradis fiscal. Une saloperie de « paradis » où la plupart des gens, acheteurs et vendeurs, se foutent royalement de savoir d’où vient et où va l’argent.

Dans les halls d’immeubles fleurissent les boites aux lettres d’entreprises qui n’emploient personne, se contentant d’une adresse fictive pour arnaquer à la fois les gouvernements et les citoyens de leur pays. En fait, cette frontière (à cinq cents mètres de la Boiteuse) est une frontière à porosité variable. Le péquin moyen doit montrer passeport pour y entrer, mais les résidents vont faire du bizness en Espagne sans payer un seul euro d’impôt au pays qui les accueille. A l’inverse, toute la journée un flot interminable d’acheteurs compulsifs viennent profiter des produits détaxés et repartent sous le regard bienveillant de la douane espagnole, les coffres chargés d’alcool, de matériel hifi et de cigarettes.

Yes Sir !
Ce rendent-ils seulement compte du mal qu’ils font à leurs propres concitoyens ? Bien sûr que non. Ils ne voient que leur profit immédiat, refusant de voir les implications de leur attitude… Pourtant l’état des rues et des immeubles de la Línea devrait bien leur mettre la puce à l’oreille. Mais non.

On est au-delà du simple consumérisme. Une telle attitude relève à mon sens de l’égoïsme le plus bas. L’exemple même de l’anti citoyenneté. Beurk.

Vers 13H00, j’avais envie de rentrer me coucher… Mais sous l’inspiration de l’ami Cazo avec qui j’ai discuté sur Face de Bouc, j’ai décidé de m’offrir une petite visite au sommet du Rocher pour profiter du panorama et de la gente simiesque qui hante les lieux.
Je me suis renseigné auprès des multiples petites camionnettes qui proposent l’ascension, mais le prix exorbitant de la visite me rebute. 25 £ pour une heure et demie de balade !
Tant pis, j’y vais tout seul. D’ailleurs c’est pas compliqué, il n’y a qu’à suivre les fils du téléphérique que j’aperçois là-bas et de grimper dans une des cabines. Moyennant tout de même 9 £, ou 12,60 € (Avec 1 £ = 1,12765 €, vous avez là un des exemples d’arnaque dont je vous parlais plus haut)


Trafalgar cemetery
Au passage je me suis baladé dans le petit cimetière de Trafalgar où sont enterrés quelques illustres inconnus ayant succombés à la bataille du même nom. Quoique, si l’on regarde bien les inscriptions à demi effacées gravées sur les tombes, on remarque que la plupart des résidents sont plutôt morts de maladie épidémique que du fait des franco-espagnols.
Les Anglais se sont accrochés sur ce bout de territoire espagnol comme des moules sur un rocher. L'intérêt stratégique de l’endroit justifiait-il tous ces morts ? Sans doute que oui… Toujours est-il que ça fait 300 ans qu’ils y sont et qu’ils n’ont pas l’intention de partir.

Ah au fait, j’ai appris une chose rigolote. Sur les photos de mon arrivée on voit distinctement des nuages perpétuellement accrochés au sommet… Je croyais que c’était la hauteur qui retenait ainsi les nuées, mais non ! En fait il y a plein de sources d’eau douce qui ruissellent sur la face Est du rocher et ce sont les vents dominants qui vaporisent ces eaux ruisselantes pour les transformer en nuage… Quand le vent est à l’Ouest, il n’y a pas de nuages !

Point of vue
La vue du haut du rocher est véritablement magnifique. La baie d’Algeciras s’étale à nos pieds, d’un bleu incroyable. Malheureusement un légère brume de chaleur empêche le regard de porter jusqu’aux côtes africaines qui sont pourtant là, à moins de douze milles, tout au bout des sillages que font les ferrys.

Mais la vue imprenable n’est pas la seule chose qui vaut le détour lorsqu’on monte au sommet du Rocher. Ce qui est le plus étonnant c’est la population de Magots berbères qui vivent ici. Véritable attraction pour les touristes ces singes sont familiers au possible, tout aussi cabotins que des dauphins, et prennent la pose dès que ce pointe l’objectif d’un appareil photo.

Cabot !
Bien sûr, je sais bien que ce ne sont que des estomacs sur pattes, et que leur comportement est largement dénaturé par la présence humaine, mais il n’empêche qu’on se laisse facilement attendrir… Surtout lorsqu’au détour d’un sentier vous apercevez une petite main maigrichonne dépasser de la fourrure d’une mère, et qu’à force de patience vous arrivez à contempler la toilette d’un nouveau né. Moment vrai, privilégié. Loin des habituelles facéties pavloviennes échangées contre quelque nourriture dont les guides ne se privent pas pour épater le client.

J’ai passé deux heures au sommet du Rocher de Gibraltar. Le regard porté au loin ou bien rivé à l’œilleton de mon appareil, je m’en suis mis plein les yeux.

En fin de journée, j’étais naze. Je suis rentré tranquillement à mon bord, et peu avant de diner je suis allé arpenter le ponton pour faire un peu connaissance avec mes voisins. J’ai fait la connaissance d’un équipage de deux français qui habitent sur leur Amel et travaillent en Espagne… Les relations se nouent peu à peu et avec elles, peut-être, l’ébauche d’une solution pour les problèmes électriques de la Boiteuse. On verra bien !

D’autres photos :







Dernière minute : On parlera de nouveau de la Boiteuse et de son Capitaine dans le poste à galène ce Mardi 28 Juin vers 18H00. Et la fréquence c'est toujours le Mouv bien sûr !


samedi 25 juin 2011

Le passage

36°09.439N 05°21.338W
La Línea

Départ, neuf heures et des poussières. Je m’attarde un peu pour dire au revoir à mes voisins et nouveaux amis, Don, Raymond et Guillaume. La corne de brume sonne pour saluer tout ce petit monde.
Dehors, c’est pas beau. Une brume pas trop dense, mais suffisante pour cacher le soleil rend la visibilité inférieure à 5 milles. C’est la pétole, et je continu au moteur, cap au 240°.
Je m’emmerde… Alors je pense. Et par la même occasion j’écris ce que je pense. J’essaye de me projeter jusqu’à demain même heure, mais j’ai un peu de mal… Pas de trac, pas de joie excessive… Demain c’est demain, et aujourd’hui c’est aujourd’hui.

Hier j’ai rempli mes deux bidons de 20 l de Gasoil, mais j’ai omis de faire le plein du réservoir principal. C’est une erreur. J’espère que le vent va se lever parce que je n’en n’ai (à vue de nez) que pour six heures de moteur et je me vois mal effectuer un ravitaillement en vol. Remarque, ça me permettra d’essayer la manœuvre au moins une fois avant l’océan…

La brume s’efface peu à peu, mais laisse la place à des nuages bas. Pas de chapeau ni de lunettes de soleil aujourd’hui. Tu vas voir que si ça se trouve je ne vais même pas pouvoir voir le rocher de Gibraltar ! M’enfin, d’après les « prévisions », c’est sensé se lever en fin de journée avec un bon F5. On verra bien.

10H55, le soleil perce enfin et j’aperçois mon premier et seul poisson lune de la journée. Il nage juste sous la surface, attendant sans doute que les rayons du soleil soient plus forts pour entamer sa séance de bronzage.

15H30, ça fait deux heures que je me traîne à même pas trois nœuds de moyenne… Il n’y a même pas assez de vent pour faire tourner l’éolienne ! En plus une houle du Sud-est c’est levée (Sud-est ?) et je me la prends en plein dans le travers. Sans vitesse pour compenser le roulis, la Boiteuse se dandine et les voiles battent. J’aime pas ça.

15H45, je me rends compte que le cap est en train de changer. Je jette un œil au pilote, celui-ci est éteint. Avant même d’appuyer sur le bouton de remise en marche, je sais déjà ce qui ne va pas… Je n’ai plus de jus dans les batteries.
Pendant une seconde je suis tenté de m’effondrer tellement j’en ai marre… Mais non, ce sera pour plus tard. Pour le moment il faut agir.
J’allume le moteur pour relancer la Boiteuse et je surveille du coin de l’œil l’aiguille du voltmètre… Elle est immobile. Merde, ça charge pas.
Je sens que je suis bon pour barrer jusqu’à Gibraltar moi… Je sais que je suis limite pétrole, alors j’entreprends de remplir un peu le réservoir avec mes réserves. Pour ce faire, je mets le bateau à la cape, moteur au point mort. Le bateau bouge moins et je peux ainsi transvaser une douzaine de litres sans trop en renverser sur le pont. La manip me prend cinq minutes. C’est bien.

Ça marche ! Ça marche plus...
Je soupçonne l’éolienne d’être la cause de cette décharge rapide des batteries. Peut-être qu’elle fait l’inverse de ce qu’elle est sensée faire ? Je la débranche et au passage je vois que l’aiguille du voltmètre bouge. Ça charge !
On repart. Cinq minutes plus tard, l’aiguille est de nouveau inerte. Grrr !!! Ça charge plus !

Là, franchement, je ne sais plus quoi penser. Je m’imagine déjà devoir rester à la Línea tout le weekend (car bien sûr nous sommes vendredi, comme d’hab), lorsque je décide de jeter un œil dans le moteur pour vérifier les contacteurs de l’alternateur. On ne sait jamais…
Je tripatouille prudemment les fils, de peur de me prendre une châtaigne, et voilà que mon aiguille se met à tressauter de joie ! Ça charge ! C’était donc ça…
Je remets le capot et retourne m’assoir dans le cockpit. Deux minutes plus tard je vérifie encore… Et ça charge plus ! Argh !!! Je me replonge dans le moteur et là je trifouille carrément tout les fils que je vois en appuyant bien fort. Ça charge !
Je rebranche Monsieur Pilote et l’on repart. Ouf…

Oups !
17H50, j’aperçois mon premier GROS bateau. C’est un putain de pétrolier qui sera bientôt suivi d’un autre, puis d’encore un autre. Ça commence à être fréquenté dans le coin.
Je fais un point, je suis juste à deux heures du Rocher.

18H30, je jette un œil à l’avant et tout à coup je vois apparaitre une énorme montagne qui sort peu à peu de la brume… on y est !
Le Rocher, the Rock ! Il est là ! Droit devant !

Alors que je contemple cette silhouette énorme qui se détache dans le contre jour, le comité d’accueil arrive pour me souhaiter la bienvenue. Un, puis deux. Trois, cinq, six dauphins s’approchent pas le travers et viennent se positionner à la proue. Je bondis sur mon appareil.

Le spectacle est fantastique. Une, non deux mères et leurs quatre petits il me semble… Les jeunes font des cabrioles, ils sautent en montrant leur ventre blanc alors que les deux mamans restent sagement juste devant l’étrave. Je filme aussi bien que je le peux cette première vraie rencontre. Si vous saviez comme j’en ai rêvé de ce moment ! C’est magique…

Yes !
C’est marrant, mais j’ai l’impression que les dauphins ne sont venus que pour qu’on les regarde… Je veux dire que par deux fois je suis retourné à l’arrière pour vérifier le cap, et à chaque fois que je n’étais plus à l’étrave pour les admirer et crier ma joie, ils semblaient se désintéresser du bateau. Et lorsque je reprenais ma position, penché à l’avant, ils réapparaissaient pour reprendre leurs cabrioles ! Vous croyez que les dauphins sont des cabotins ?

Pendant une demi-heure, cette joyeuse bande va caracoler devant la Boiteuse. Puis une autre troupe les rejoindra et pendant un bref moment je vois des dauphins partout autour de moi ! Des dizaines ! Je ne sais plus où regarder tellement il y en a ! Leur curiosité sans doute satisfaite, ma petite famille s’en va rejoindre les autres et ils s’éloignent. Quelle arrivée mes amis !

Vidéo en cours de fabrication. Soyez patients !

20H00, je passe le cap Europa. Pile poil comme c’était prévu. La baie d’Algeciras est pleine de GROS bateaux au mouillage et il me faut slalomer entre eux pour trouver ma route. Des cargos, des pétroliers, des gaziers… Sans parler des ferrys qui fonce à toute vitesse. Le vent promis est là mais beaucoup trop fort pour que j’en profite vraiment.

21H00, j’arrive au port de la Línea… Et je m’entends dire que je vais devoir rester toute la nuit au quai d’accueil parce que les bureaux sont fermés. Pas d’eau, pas d’électricité. Je me tâte un peu et je décide de tenter ma chance à Algeciras. Peut-être que là-bas ?

Heu... Je peux passer ?
Quatre milles en plein trafic alors que le soleil se couche. Le panorama est joli, mais c’est plutôt risqué comme promenade. J’arrive à la nuit et je poireaute pendant au moins une demi-heure en faisant des cercles dans l’avant port, m’époumonant à la radio pour contacter le marinero. Peine perdue. Las, je m’accroche alors au ponton des carburants, et après avoir vérifié qu’il n’y avait vraiment personne, je me suis couché.

Le lendemain, ce matin donc, je choppe le gardien qui m’explique qu’il m’avait vu mais que ça radio n’avait plus de batteries (lui aussi !). Grumf… Je m’enquière des formalités et j’apprends que les places ici sont rares et que la marina n’est pas équipée de chiottes ni de douches (ou alors à perpette) et que pour le wifi je pouvais toujours ma gratter. Chouette !
Je réfléchis deux secondes et je décide de retourner à la Línea, là où j’aurais dû rester si je n’étais pas aussi têtu. Une heure de nave dans une véritable marmite en ébullition. Ça souffle au moins du F6 en rafale et je vois des tourbillons d’eau salée décoller de la surface de la mer ! Mais c’est quoi cet endroit…

Y'a pire !
Je suis donc actuellement à la Línea, où je vais, je pense, revoir un peu mon programme. Avant de me lancer je veux être absolument sûr de ne plus avoir de mauvaises surprises. Je vais donc vérifier tous les contacteurs, les changer si besoin est, et revoir encore une fois mon circuit électrique au grand complet… C’est plein de bateau de voyage ici, et ce sera bien le diable si je ne trouve pas quelqu’un pour m'aider. Au pire, je sais que Raymond passera par ici dans quelques jours, il me donnera bien un coup de main ! Hein Raymond ?

Voilà, je suis désolé les amis, mais pour les Canaries il va falloir attendre encore un peu. Cela dit, il y a pire comme endroit pour faire escale non ?

D'autres photos : 






jeudi 23 juin 2011

Sur les starting-blocks

36°35.746N 04°30.803W
Benalmádena


D'un spectacle...
Nous y sommes les enfants… Le départ est imminent puisque c’est demain que la Boiteuse décollera (enfin !) de Benalmádena pour se lancer sur la houle atlantique. Et advienne que pourra comme dirait l’autre.

Enfin, pas vraiment… Puisqu’avant que de nous lancer, nous ferons une dernière étape dans le port de la Línea situé au pied du célèbre rocher de Gibraltar. Le passage, proprement dit, du détroit et l’entrée dans l’Océan ne se fera que le lendemain, samedi. Cela fait… Et bien, logiquement on devrait en avoir pour six jours.
Notez bien l’emploi de l’adverbe logiquement et du conditionnel, car je serais bien incapable d’être plus précis quant à la durée de la traversée. Ça peut très bien prendre moins de temps, comme beaucoup plus… Car les conditions météo, après le coup de vent de cette semaine, seront bien plus calmes, notamment dans la première partie du voyage. Mais elles peuvent évoluer rapidement au-delà de quelques jours… Tout ça pour dire que l’on peut très bien mettre cinq jours, comme sept, huit ou neuf. C’est Eole qui décidera.

J’ai décidé d’atterrir sur la petite ile de Graciosa, au port de la Caleta del Sebo ou bien au mouillage de la Play Francesa. L’ile de Graciosa est un petit paradis où il est difficile de pénétrer d’après ce que j’ai pu lire ici ou là, et il semblerait qu’il faille ruser pour pouvoir arriver à y poser son ancre… Pas d’électricité, pas d’eau, sans doute pas d’internet, il se peut même (en tous cas je l’envisage comme ça) que je n’y passe qu’un jour ou deux, histoire de reprendre des forces, avant que de rejoindre un autre havre plus moderne. Ou pas… On verra.

Vous l’imaginez bien, je suis prêt. Enfin, je le crois. Pour être tout à fait paré, il ne me reste plus qu’à remplir mes jerricans supplémentaires de gasoil (2x20 l) et de remplir les placards de nourriture.
Lucifer me demande quels seront les menus. Ça c’est une bonne question !
En règle générale lorsqu’on navigue il faut manger quand on le peut et à chaque fois qu’on en a envie. Quand on le peut, ça veut dire que si le temps s’y prête pour une durée suffisante on peut se lancer dans de la vraie cuisine, avec cuisson et tout le toutim. Mais les conditions de mer peuvent tout aussi bien rendre la popote carrément impraticables, voire dangereuse. Aussi il est bon de prévoir tout un tas de petits trucs à se mettre sous la dent et d’en avaler chaque fois que le corps en réclame. Le marin grignote, n’en déplaise aux nutritionnistes bien pensants.
Pour mémoire je vous rappelle que la faim est une des causes du mal de mer.

Je m’y suis attelé ce matin, et ça va donner à peut-près ça :

Petit-déj : Je n’en prends jamais. Le café à profusion me suffit, mais j’ai pris l’habitude de m’offrir une petite collation vers 09H00 avec des fruits. On pourra y adjoindre autant de petits gâteaux et de carrés de chocolat qu’on veut !

Le frigo ne fonctionnant pas pendant la traversée, je n’emporterais de produits frais que pour les deux ou trois premiers jours. Après ce sera boite de conserve et fruits, salade de pâtes, sandwichs. Bref, j’ai bien l’intention de ne pas me laisser mourir de faim, soyez rassuré.
Je ne ferais pas de menu prévu à l’avance… Ça me laissera le plaisir d’avoir à me poser la question tout à fait simple et O combien plaisante « Qu’est-ce que je vais bien pouvoir manger ce soir ? ».
Et pour la nuit, j'ai tout un stock de soupe en tout genre.

Ah oui, bien sûr j’espère bien que le poisson sera au menu de cette semaine à venir. A cet effet, j’ai prévu de passer chez le magasin du coin, histoire de me procurer de quoi subvenir à mes envies !

... à un autre.

Sinon, quoi vous dire d’autre ? Le sommeil. Ça c’est important le sommeil… Et bien je vais sans doute vous inquiéter mais je n’ai pas fait de plan à l’avance concernant ma façon de dormir. Enfin si, grossièrement. Je vais essayer de dormir la journée autant qu’il m’est possible (le détecteur de radar en action), afin d’emmagasiner des forces pour la nuit. Ça, bien sûr, c’est-ce que je me dis là maintenant, mais je gage que je me ferais un petit rythme bien perso assez rapidement. Je ne sais pas trop pourquoi, mais j’ai le sentiment que ce ne sera pas un problème…

Voilà, chère lectrices et lecteurs. Il faut que je file pour terminer mes préparatifs, et je tâcherais de vous glisser un mot avant de partir samedi matin. Sinon, et bien on se retrouve dans quelques jours aux Canaries !

dimanche 19 juin 2011

Tout ça pour ça…

36°35.746N 04°30.803W
Benalmádena

J’ai toujours cru que je n’étais pas un manuel, et dans une certaine mesure je le crois encore.

Je me souviens que lorsque j’étais jeune, quatorze-quinze ans, dans ces eaux là, mes notes en classes pâtissaient de mon adolescence perturbée par les hormones. Ma mère se figurant que je n’étais pas fait pour les études, se mit en tête de me faire apprendre un métier. Tout naturellement, elle s’est tournée vers mon père et lui a demandé de m’enseigner les bases de son métier, l’ébénisterie. Je passais donc quelques jours de vacances dans son atelier, et lui comme moi nous rendîmes assez vite compte que je n’étais pas doué… Mais alors pas du tout. La seule chose que j’arrivais à faire à peu près bien, c’était les teintes et les vernis. Je ne le savais pas encore, mais cela me servit bien plus tard…

Ça ne se voit pas mais elle tourne !
Bref, globalement l’expérience fut un échec et je me souviens très bien m’entendre dire par mon père : « Toi, tu n’es pas un manuel ». Et lorsqu’il me disait ça, il y avait dans son ton une espèce de mépris, comme si le fait de ne pas savoir se servir de ses mains était de la dernière vulgarité.

Le seul problème c’est que j’étais également un élève très moyen, et que cela ne me classait pas dans la catégorie des intellectuels pour autant. Je n’étais donc, ni un manuel, ni un intellectuel, et pendant longtemps j’ai bien cru que je n’étais rien…

Cependant, en grandissant je me suis rendu compte que sans vraiment être un bricoleur, j’arrivais toujours (souvent en tous cas), à trouver une solution simple à un problème complexe, et notamment en détournant les objets de leur fonction première. Au lycée on m’appelait MacGyver !

Bien des années plus tard, cette débrouillardise se retrouve de nouveau mis à contribution, mais dans un contexte plus sérieux puisqu’il s’agit de s’occuper de la Boiteuse. Et je m’aperçois que je n’ai rien perdu de mes petits talents d’ado !
Entre hier et aujourd’hui j’ai installé moi-même de mes blanches mains, le nouveau sondeur et l’éolienne. Et comme à chaque fois que j’arrive à réaliser un montage ou à réparer quelque chose, j’en suis toujours un peu étonné. Et fier aussi.
Même si, il faut bien le reconnaitre, je manque tout de même des connaissances de base et ça me fait perdre un temps fou.

Vert, tout est clair !
Ah oui, il faut peut être que je vous raconte pourquoi j’ai maintenant une éolienne qui trône sur le portique arrière… Lorsque je suis allé chez Leroy-Merlin (prononcez Léroille-Merline !), on m’a expliqué qu’un groupe électrogène produisait certes du 12 ou du 220 volts pour pas cher, mais que celui-ci avait un faible ampérage. En conséquence, pour charger une de mes batteries il aurait fallu au moins douze heures, si ce n‘est plus.

J’étais vert… Je venais de me taper deux heures de trajets en bus et à pied pour arriver dans ce foutu magasin et je devais repartir les mains vides. A tout hasard j’ai jeté un œil au rayon des énergies alternatives, et là je tombe sur une promotion : Une éolienne AIREASY 8000 pour 550 €.

J’ai longuement hésité. J’ai tourné, viré pendant une heure, lisant et relisant la description de la bête, tout en ne m’éloignant pas trop d’elle parce que c’était la dernière… Et puis je me suis lancé. Ok, c’est cher, mais avec ça au moins je suis tranquille, je ne risque pas de tomber en rade parce que mon pilote aura séché mes batteries.

L'essentiel c'est que ça tienne
Une fois rentré au bateau, et après avoir tâtonné pendant un bout de temps, je me suis lancé dans l’installation des deux appareils… Et le lendemain c’était fait !
Bon, le montage n’a rien de vraiment orthodoxe, il est à ma sauce dirons-nous, mais je vous garanti que c’est du solide, et surtout ça fonctionne. Je sais maintenant combien j’ai d’eau sous ma quille et mon éolienne tourne comme une folle sur son mât.

Donc, plus rien ne me retenait désormais à Benalmádena. Sauf peut-être l’avitaillement, que je me proposais de faire aujourd’hui pour larguer les amarres demain… Mais ça c’était sans compter le Sieur Eole qui, pendant que je résolvais mes petits problèmes techniques, n’a rien trouvé de mieux que de m’organiser une petite surprise digne de lui.
A partir de mercredi après-midi il va se mettre à souffler pas mal au large du Maroc. Ça va grossir, grossir, jusqu’à ce que vers jeudi soir on obtienne le gros machin moche que vous pouvez voir sur la carte. (Cliquez pour agrandir)

D'accord...
Quand je me suis aperçu de ce que me préparait le Seigneur des Vents, j’ai dans un premier temps râlé… Puis j’ai essayé de biaisé, en imaginant tous les scénarios possibles pour pouvoir passer à travers ce truc-là… En vain, bien sûr.
Mais ce matin, il m’a bien fallu me résigné. Quand Môssieur décide de piquer sa crise, les humbles mortels n’ont qu’à rester au port et… attendre.

Alors c’est-ce qu’on va faire, attendre. Combien de temps je ne sais pas, mais comme c’est parti j’en ai au moins pour une semaine.
Heureusement le prix de la place est raisonnable et le voisinage agréable. Tien d’ailleurs, cela fera l’objet d’un article que j’ai commencé à écrire, sur les retraités et la mer. Maintenant que j’ai le temps, je vais pouvoir le terminer.

Maintenant que j’y pense, vous croyez que ça l’aura vexé l’autre, que je décide d’installer une éolienne ? Ça devrait lui faire plaisir pourtant…

jeudi 16 juin 2011

Hasta las Canarias

36°35.746N 04°30.803W
Benalmádena

Voilà dix jours que nous sommes à Benalmádena, et il est temps pour nous de reprendre la route. Et quand je dis nous, il s’agit de la Boiteuse et de moi, bien sûr.
Oui je sais que vous le savez, mais je précise tout de même pour les nouveaux lecteurs… Car il y en a, je le sais. Surtout depuis… Mais bon, nous en reparlerons.

L’ami Arnaud s’en est retourné chez lui, après avoir (je pense) bien profité de son séjour. Nous avons parcouru ensemble les promenades qui longent le bord de mer, passé une petite journée à Malaga où nous nous sommes remplis la panse de fritures, fait une balade en mer à la recherche de dauphins mais pour n’y croiser que trois poissons-lune… Bref, ces quelques jours furent à la fois riches et reposants.

Théâtre antique au pied du Gibralfaro
Pour ma part, j’en ai profité pour faire le point… Tant au niveau géographique que personnel. Le détroit de Gibraltar est à portée de main, là, juste derrière l’horizon, et ce gros caillou représente une étape importante puisqu’il marque la fin de la Méditerranée et le début du Grand Océan… Rien que ça, ça demande de s’arrêter un peu et de savourer le moment. Et puis ce pose alors la question : On passe les colonnes d’Hercule (ok, ça c’est fait…), et ensuite on va où ?

Il me semble vous l’avoir déjà dis, j’avais le choix entre le Maroc, le Portugal ou les Canaries… Et après avoir pesé le pour et le contre, j’ai finalement opté pour la grosse traversée vers les Iles.

Supermarché de l'esprit...
En fait j’ai procédé par élimination… Comme vous le savez la caisse de bord s’allège et le coup des ports devient carrément dément au fur et à mesure que j’avance dans la saison. Remonter jusqu’au Portugal, aurait été (à mon sens en tous cas) foutre véritablement l’argent par les hublots, sachant que d’autres cieux peuvent proposer le dérisoire, voire le gratuit.

Le Maroc, c’est avec une part de regret que j’ai renoncé également à y mettre les pieds. Ma famille y avait ses racines, et cela aurait été comme une espèce de retour aux sources que de m’y attarder... Mais bon, la côte atlantique marocaine n’est pas particulièrement hospitalière (à tout point de vue) et j’ai préféré m’abstenir. Tant pis pour le trip « Le Gwen marche dans les pas de sa mère », et l’occasion peut-être de me réconcilier avec son souvenir, mais je n’ai absolument pas envie de voir ma Boiteuse se vautrer sur une plage parce que le service maritime locale n’aura pas signalé une épave. Et moi je tiens au moins autant à ma peau qu’à mon bateau, et il me siérait de pouvoir conserver les deux.

Restait donc les Canaries… Et les quelques 600 milles (et de brouettes) d’océan entre elles et moi.

... et ses produits dérivés.
Là, pour le moins, on change d’échelle. Finit les petites naves à la journée. Finit les petites balades le long des côtes… On parle d’une traversée, d’une vraie, avec au minimum six jours en mer. Du coup, et je crois que c’est humain, j’ai eu pendant un moment, comment dire, la pétoche. Enfin, je ne sais pas si on peut appeler ça comme ça… (Peut-être que si finalement… Enfin, j’en sais rien.) Toujours est-il que je me suis inventé tous les prétextes possibles et imaginables pour me convaincre de rester dans la mare aux canards : Et si ton système électrique ne suffit pas ? Et si le moteur te lâche ? Et si tu te casses quelque chose ? Et si, et si…
Ca a duré une petite journée et puis je me suis dis : Et merde à la fin ! Tu me fais suer avec tes si… Avec des si, on reste à la maison mon bonhomme ! C’est pour vivre ça que tu es partis j’te rappelle !

Devant la détermination de mon alter ego personnel je n’ai eu qu’à fermer ma gueule et à commencer à me faire à l’idée… Et je m’y suis si bien fait qu’à l’heure ou je vous parle, je brûle d’impatience de partir.

Poisson lune !
De plus, la traversé ne représente réellement que peu de difficultés. Une fois débordé le détroit et le trafic maritime intense, c’est quasiment du tout droit (sic !) avec un alizé du Nord-ouest aussi régulier qu’une montre suisse. Un véritable tapis roulant sur lequel il n’y a qu’à poser son navire et à se laisser porter.

Donc, c’est décidé, on y va. Direction les îles Canaries, avec ses volcans et ses plaines désertiques. Ses mouillages forains, ses eaux chaudes et cristallines… Direction le Sud.

Le moral du Capitaine étant de nouveau au beau fixe, il s’agit maintenant de s’occuper de la Boiteuse et de la préparer au mieux pour cette traversée.
Côté garde robe, tout est paré. Son Génois a été recousu et renforcé, et il est de nouveau prêt à mettre ses 38 m² au service de la bonne marche du bateau.
Le sondeur qui montrait des signes de faiblesse depuis un moment est définitivement mort, et pour le remplacer intégralement, il fallait logiquement sortir le bateau de l’eau… Ce que je n’avais ni le temps, ni les moyens de faire pour l’instant. J’ai donc opté pour une sonde de pêche basique et pas trop chère qui fera largement le boulot d’ici à ce que je puisse mettre la Boiteuse au sec.

Paré !
Côté énergie, là encore ce sont les considérations financières qui, hélas, dictent ma démarche. Dans un monde idéal j’aurais aimé pouvoir recharger mon parc de batterie avec des énergies renouvelables (Soleil, vent, eau) mais le plus simple et le moins onéreux que j’ai pu trouver, c’est un petit groupe électrogène.
Ce qui m’amène quand même à me poser la question de l’écologie au quotidien… Comment voulez-vous qu’on arrive à lutter contre le changement climatique si les solutions nomades et écologiques restent à ce point hors de prix ? C’est impossible… Le prix d’une pile à combustible (solution la plus efficace) est carrément prohibitif !

Bref, j’ai quelques jours pour trouver un groupe électrogène de petite dimension, et ensuite go !

J’ai jeté un œil sur les prévisions météo à moyen terme, et à partir de dimanche les vents vont tourner et devenir favorables pour nous. Il me reste quelques petits détails à peaufiner avant que d’entreprendre la traversé du détroit, et notamment de bien calculer mon passage en fonction de la marée et des courants… Il me faut aussi faire un avitaillement suffisant pour une dizaine de jours (prévoir toujours plus…), mais globalement nous sommes prêts. Je suis prêt dans ma tête, et la Boiteuse est prête elle aussi. L’un et l’autre nous sommes parés.

Quelques mots, avant que d’en terminer pour aujourd’hui, sur ma petite prestation de lundi dernier sur le Mouv’… Bon, à la réécoute je me suis trouvé plutôt nul, mais il parait que la plupart d’entrevous ont apprécié mes ânonnements et mes hésitations. C’est vous qui voyez, mais bon… Le résultat est qu’une palanquée de moussaillons ont embarqués depuis quelques jours, et je leurs souhaite la bienvenue !

Et pour ceux qui auraient envie de s’en repayer une tranche, c’est ICI.

samedi 11 juin 2011

La Boiteuse est dans le Mouv’

La bouteille flotte. Une bête bouteille en verre ou en plastique, qu’importe, qui flotte et ballotte au grès du ressac. Elle avance, elle recule, elle roule sur la plage en faisant jaillir des étoiles dans le soleil couchant.
Un groupe d’enfants passe en jouant, et l’un d’eux se penche et ramasse le récipient. Dedans une mince feuille de papier roulée. Une feuille de papier à petits carreaux couverte d’une écriture malaisée.

L’enfant ouvre la bouteille, en extirpe la missive et prenant sa voix la plus assurée en fait la lecture à ses camarades impatients.



Chers Tous,

Rendez-vous le lundi 13 Juin 2011, aux alentours de 19H00 dans l’émission d’Eric Lange, le Forum du Mouv’.
Le capitaine de la Boiteuse s’y exprimera comme il pourra pour vous faire partager ses rêves et son voyage.

Qu’on se le dise et répète !

G.D. 

Et comme aucun d’eux ne comprenait le français, la bouteille finit ses jours comme bougeoir sur une table, et la feuille de papier fut pliée en forme de bateau pour continuer son voyage…

PS : Un grand merci à Trinita, sans qui  ce rendez-vous n'aurait pas pu avoir lieu.

A lundi !


jeudi 9 juin 2011

Impressions de Benalmádena

36°35.746N 04°30.803W
Benalmádena

Il est cinq heures et demie et il fait encore nuit. Je savoure à la fois la quiétude du moment et l’arôme de mon café matinal.
Depuis que je suis arrivé à Benalmádena, la première chose que je regarde sitôt levé, c’est le niveau de la marée. Bon d’accord, elle n’est que de, attendez je vérifie, 37 cm, mais 37 cm c’est quand même 37 cm… Et c’est important surtout lorsqu’on est amarré à un quai en béton et que ça bouge pas mal. Ben oui, suivant la façon dont vous avez tendu (ou pas) vos haussières, votre bateau est plus ou moins attiré vers le quai. Et c’est toujours bien de surveiller ces choses là.

Ensuite, suivant l’heure je peux aussi bien attendre que les perroquets qui logent sur les palmiers se réveillent, ou bien j’essaye de trouver des trucs à faire. Des trucs importants, cela va de soi. En même temps il est peut-être un peu tôt pour s’atteler à des choses importantes, aussi je vais attendre que les perroquets se réveillent en écrivant quelques mots sur mon clavier.

Délires ?
Benalmádena… Comment vous dire… Benalmádena c’est un phantasme. Un rêve comme seuls les promoteurs immobiliers peuvent en faire après avoir passé une soirée à bien picoler. A la fin de la soirée, il y en a un qui dit pour faire marrer les autres : « Et si on s’inspirait du dessin animé Aladin ? ». Et de continuer son délire devant la mine intéressée des autres : « Ben oui, on pourrait mettre plein de coupoles et de pointes comme dans la ville de Bagdad. Ça ferait comme si on était dans les milles et une nuit ! ».

Bien sûr, il y en a toujours un qui a un peu moins bu que les autres pour ramener sa fraise et rétorquer : « On avait pas parlé de Venise au départ ? ».
- Oui, et alors ?
Le problème c’est que le lendemain, même avec la gueule de bois, ils l’ont fait, et ça a donné la marina de Benalmádena. Une espèce d’architecture improbable, une Venise à la sauce harissa avec ses arcades boutiquières, son petit aquarium de 500 m² baptisé pompeusement Sea Life, ses piscines sur les toits et ses magasins spécialement dédiés à une clientèle saxonne. Tout est traduit en anglais, les restos font l’effort de servir à partir de dix-huit heures, et dans un petit market on trouve même des denrées que seuls les saxons sont capables d’avaler.

Et ça marche.

Le pont des soupires ?
C’est bien ça le plus étonnant à mes yeux. Le port de 1100 places est plein à craquer, des bus déversent inlassablement leur cargaison de touristes qui viennent admirer (?) les lieux et faire du shopping…
Lorsque je marche le long des plages de sable brun ou sur les promenades, je croise l’anglaise à la cuisse blanche et à la poitrine rougie par le soleil, l’allemand en short et chaussettes dans les sandales, la blonde suédoise (ou bien norvégienne ?) aux longues jambes bronzées…
Je sais, ce ne sont que des clichés… Mais je n’y peux rien, car à Benalmádena tout n’est qu’une longue suite de clichés.

Alors vous allez me demander : Mais elle est où la belle andalouse ? Où est celle qui enchantait mon imaginaire d’adolescent ?

Et bien elle est là, sous mes yeux, avec ses cheveux teints et son sourire commercial, planquée derrière sa caisse de supermarché ou son comptoir d’office du tourisme…

Quelque part, je suis dégouté…

Vous avez dit clichés ?
Du coup, et bien je retourne à mon bord et je m’occupe de moi et de mon bateau.
Pour ce qui est de moi, je veille à me mijoter de bons petits plats et en ce qui concerne la Boiteuse, je veille à ce qu’elle ne manque de rien. Son Génois est chez le tailleur pour être reprisé, et j’essaye de voir comment je peux faire pour réparer son sondeur qui déconne.
Pour se faire, j’ai dû prendre mon premier bain d’eau de mer. Et oui, mon premier bain depuis mon départ. J’ai mis mon masque et j’ai plongé sous la coque pour vérifier si les algues n’en prenaient pas trop à leur aise. On va dire que ça va, mais un coup d’éponge douce ne serait pas un luxe. J’en ai profité pour jeter un œil à mon hélice et là deux surprises m’attendaient.
La première c’est qu’effectivement le type qui était sensé l’avoir gratté à Sète avait bien fait son boulot. Et la seconde c’est qu’un amas de plastique et de bouts de ficelle s’étaient enroulé autour et faisait comme un gros bordel.

La récolte du jour...
Je me disais aussi que mon bourrin ramait un peu… Et bêtement j’avais mis ça sur le compte des courants contraires. En quelques minutes j’avais enlevé tout ce qui gênait et je suis remonté vite fait pour aller prendre une douche car l’eau d’un port n’est jamais très saine… J’en sais quelque chose puisque je pisse dedans tous les jours.

En prenant ma douche je me disais que j’étais content de moi… Rien de mieux en effet pour se mettre en valeur par rapport à soi-même que d’effectuer une tâche importante longtemps reportée. Ça vous donne l’impression que vous êtes plus fort que vous-même… Mais malheureusement ça ne vous aide pas à prendre les grandes décisions. Comme celle de savoir quel va être mon itinéraire à partir de la semaine prochaine par exemple… Non, pour ça il va me falloir réfléchir encore un peu. A moins qu’un des ces signes qui m’accompagnent depuis mon départ ne vienne m’indiquer la route ? Allez savoir…

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